C’en est fini des errances, des incertitudes. Allons, Gambetta, une petite formule pour exprimer cela ? La voici : « L’âge héroïque est clos ! » En février, Grévy reçoit la démission du ministère. On se dit que le nouveau président du conseil ne peut être que le tribun Gambetta. Mais non : Grévy le méticuleux n’apprécie pas Gambetta le débraillé, et la réciproque est vraie ! Le 5 février 1879, les ministres choisis par le nouveau président du Conseil au nom bien oublié – Waddington – sont sans relief : « De simples numéros sortis au hasard de la foule », dit Gambetta l’écarté !
Le ministre puis président du Conseil, Jules Ferry, va se battre sur trois fronts : la religion, l’instruction, la colonisation.
Parmi les ministres de Waddington, on trouve Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Le 15 mars 1879, il dépose un projet de loi dont l’article 7 contient la proposition suivante : « Nul n’est admis à diriger un établissement d’enseignement public ou privé s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée. » Cela signifie que, si la loi est votée, ce sont plus de 500 congrégations qui vont devoir fermer leurs portes, et que 20 000 enseignants vont devoir abandonner leur poste. Qui est visé plus précisément par Jules Ferry ? Les jésuites ! Jules Ferry a déclaré qu’il voulait leur arracher l’âme de la jeunesse française !
Au mois de juin, à l’Assemblée, le projet Ferry déclenche des batailles rangées : Gambetta en perd son œil de verre, des gifles partent en pleine séance, des chaussures s’envolent, des boutons et des faux-cols sautent, les sonnettes agitées frénétiquement pour ramener le calme perdent leur battant qui frappe au hasard des crânes rouges de colère ! Le 10 juillet 1879, l’article 7 passe : la laïcité de l’enseignement est adoptée en France. Adopté par le Sénat le 23 février 1880, il trouve sa première application concrète dans l’expulsion des jésuites de la rue de Sèvres à Paris, expulsion qui va aussi avoir lieu dans plus de trente départements, le même mois. L’esprit gallican souffle dans la République…
Jules Ferry organise par ailleurs l’enseignement secondaire des jeunes filles jusque-là placé sous la responsabilité des religieuses. La religion quitte donc l’école, mais Jules Ferry, s’il a atteint son but, n’en professe pas moins une laïcité tolérante. Il est aussi à l’origine de la loi sur la liberté de la presse, le 29 juillet 1881 – la censure est supprimée. C’est également l’homme de la légalisation des syndicats par la loi du 21 mars 1884.
Jules Ferry, c’est enfin celui qui a donné, à partir de 1880, une impulsion décisive à la colonisation : la présence française va progresser en Tunisie, au Congo, dans le Sud-Algérien, en Afrique occidentale, à Madagascar, en Indochine, à Tahiti. Cet aspect de son action subit de violentes attaques de la droite et de l’extrême gauche – non parce qu’on trouve la colonisation humainement déplorable, mais parce qu’on l’estime trop coûteuse ! Jules Ferry la justifie en avançant les arguments suivants :