Comme prévu, les élections d’octobre font perdre aux républicains leur belle majorité. Une centaine de républicains d’extrême-gauche, qu’on appelle les radicaux, siègent avec plus de 200 conservateurs de droite pour une majorité gouvernementale de 260 députés. La rupture s’est produite surtout entre les républicains qu’on a appelés les opportunistes soutenant Jules Ferry dans ses visées colonialistes – opportunistes trouvent dans le terme affairistes une rime riche et justifiée – et les radicaux à la tête desquels on trouve George Clemenceau. Clemenceau, républicain vendéen, né à Mouilleron-en-Pareds, est devenu médecin après des études à Nantes et à Paris. Député de la Seine à partir de 1871, il est devenu le chef du noyau dur de l’extrême gauche, c’est lui qui a poussé Ferry à la démission. C’est lui aussi qui va faire entrer sur la scène politique un général fort populaire pour avoir substitué à la gamelle de ses soldats une assiette et une fourchette, les avoir autorisés à porter la barbe, et fait peindre leurs guérites en tricolore : le général Boulanger !
Il devient vite le brave général Boulanger derrière lequel se rassemblent les déçus de toute sorte.
Gênant, dangereux pour certains, Boulanger est mis à la retraite le 17 mars 1888, un an après que le président de la République, Jules Grévy, a démissionné pour une sombre histoire de trafic de décorations dans laquelle a trempé son gendre ! Celui qui a remplacé Grévy, le 3 décembre 1887, Sadi Carnot, petit-fils du grand Lazare Carnot qui fut homme de la Révolution, du consulat, de l’Empire et de la Restauration, fait pâle figure à côté du général Boulanger qui contente tout le monde avec un programme plutôt vague résumé en trois mots : « Dissolution, constituante, révision ». Révision ? Beaucoup de monarchistes voient dans ce mot un synonyme de restauration ! Clemenceau se mord les doigts d’avoir promu ce général ambigu, qui ne mesure pas vraiment la portée de ses mots, et qui, sans s’en apercevoir, menace la République ! Il devient alors le plus farouche adversaire de Boulanger qui porte et fait porter à ses partisans un œillet rouge. En 1888, le boulangisme bat son plein à Paris et en province.
La tour la plus haute du monde
1889 ! Trente millions de visiteurs vont se presser à l’exposition universelle inaugurée par le président Sadi Carnot le 6 mai. C’est le centenaire de la réunion des états généraux, première étape de la Révolution française, en 1789. On inaugure à cette occasion la tour Eiffel qui porte le nom de son concepteur ; il l’a imaginée en 1884, en a livré les plans définitifs en 1886. En 1887, sa construction a commencé. Le 21 août 1888, le deuxième étage était achevé – malgré une pétition d’artistes, Maupassant, Victorien Sardou, Charles Gounod, entre autres, qui s’opposent à son érection, la trouvant d’une laideur absolue. Et le 6 mai 1889, la tour la plus haute du monde est assaillie par une file de visiteurs ininterrompue jusqu’à nos jours…