La tuerie du Chemin des Dames déclenche – comme le laisse entendre la chanson – des grèves, davantage même, des mutineries. Les soldats ne supportent pas d’être poussés à la mort comme du bétail, ils ne supportent plus de voir, lorsqu’ils vont en permission, les embusqués qui font la fête et les regardent parfois avec mépris ou ironie. Deux régiments entiers se révoltent et menacent de marcher sur Paris pour demander au Parlement une paix immédiate. Des officiers qui interviennent pour tenter de ramener l’ordre sont pris à partie. Au début de juin 1917, un général reçoit même des pierres, sa fourragère et ses étoiles sont arrachées !
À l’arrière – Rennes, Paris – des grèves éclatent. Nivelle est relevé de ses fonctions. Pétain le remplace. La répression commence : 554 condamnations à mort sont prononcées. Quarante-neuf soldats sont exécutés. Pétain s’efforce par la suite d’améliorer le quotidien de ces combattants de vingt ans, les poilus, le rythme des permissions s’accélère, les repas et les cantonnements s’améliorent. Mais le défaitisme persiste. C’est alors que Poincaré, le président de la République, fait appel à Clemenceau. Celui-ci, très populaire auprès des soldats – il publie un journal où il ridiculise les généraux incompétents –, se met à visiter les tranchées, appuyé sur sa canne, répétant partout, près des soldats ou à l’Assemblée : « Ma politique intérieure : je fais la guerre ; ma politique extérieure : je fais la guerre ! » Il y gagnera le titre de « Père la victoire ». En attendant, la guerre continue.
Le front en 1914 et 1917
Entre juillet et novembre, les Britanniques qui ont engagé la bataille d’Ypres ne réussissent pas à dégager les côtes de Flandre. Le 21 mars 1918, les Allemands lancent une offensive qu’ils espèrent décisive en Picardie. Leur avancée est telle qu’ils menacent la coordination des troupes alliées. Les 24 et 25 mars, ils atteignent la Somme. De la colline de Montjoie près de Crépyen-Valois, ils commencent à bombarder la capitale avec des canons lançant d’énormes obus de 220 mm, longue portée – l’un de ces canons est surnommé la Grosse Bertha par les Parisiens, du prénom de la fille du fabricant : Krupp. Le 29 mars, la Grosse Bertha envoie sur le toit de l’église Saint-Gervais un obus qui crève le plafond et éclate parmi les fidèles, en pleine cérémonie du vendredi saint. Le bilan est terrible : quatre-vingt-onze morts, des dizaines de blessés ! Les bombardements se poursuivent jusqu’au 16 septembre ; ils font plusieurs centaines de morts.
Les Allemands accumulent les victoires. Du 27 au 30 mai, ils déclenchent une nouvelle offensive du Chemin des Dames. Ils atteignent la Marne, à soixante kilomètres de Paris ! Le 30, ils surprennent Foch – nommé généralissime des armées alliées le 26 mars – et font 60 000 prisonniers ! Mais le 18 juillet 1918, la contre-attaque alliée est lancée. Six cents avions, et, surtout, 1 000 chars – des Renault, maniables, moins massifs que les premiers dont le réservoir d’essence était situé à l’avant… – vont soutenir l’attaque. Un million d’Américains sont présents aux côtés des Anglais, des Français et de tous ceux qui sont venus des colonies prêter main forte à la métropole.
Chapitre 20
1919 à 1939 : L’entre-deux-guerres : des crises successives