L’économie est détruite, la production inexistante, l’industrie anéantie, la situation financière est devenue très difficile. Pourtant, la vie va reprendre son cours, et la politique retrouver ses habitudes. Aux élections de 1919, la majorité se situe à droite et au centre. Le Bloc national qui en est issu est appelé la Chambre bleu horizon, par allusion à la couleur de l’uniforme qu’ont porté presque tous les députés. Ce sont pour la plupart des catholiques qui n’imaginent pas, à la fin du mandat de Poincaré, en 1920, élire un président athée, même s’il s’appelle Clemenceau. Celui-ci se retire alors de la vie politique le 18 janvier 1920. Après un voyage triomphal aux États-Unis en 1922, il écrit plusieurs livres avant de mourir en 1929, à Paris. Le successeur de Poincaré s’appelle Paul Deschanel, il est élu le 18 février 1920. Mais bien vite, on se rend compte que l’homme élégant et affable cache un malade bizarre qui se croit persécuté du monde entier. Il est bientôt remplacé par Alexandre Millerand.
Le Président est nu – ou presque
Un soir de mai 1920, Paul Deschanel prend le train en direction de Montbrison où il va inaugurer un monument, en compagnie de plusieurs ministres. Au milieu de la nuit, sans que quiconque s’en aperçoive, il quitte son wagon-lit et tombe sur la voie. On le retrouve le lendemain matin, en caleçon, chez un garde-barrière. Un peu plus tard, le 10 septembre, il décide de se mettre presque nu à Rambouillet afin de se baigner dans les bassins. Dix jours plus tard, il démissionne.
La dette de l’Allemagne est énorme envers la France. Elle a commencé à la payer, mais avec une telle irrégularité qu’il est permis de se demander si un jour elle ne sera pas atteinte d’une amnésie qui lui serait salutaire ! Le Bloc national, les Bleu horizon qui ont souffert dans les tranchées sont particulièrement attachés au paiement de cette dette, ils ont pour leitmotiv : « L’Allemagne paiera ! » Aristide Briand – un socialiste de négociation et d’apaisement, rappelez-vous la séparation de l’Église et de l’état – élu pour un an président du Conseil en 1921, tente un rapprochement avec l’Allemagne à l’indignation du Bloc national ! Dans le même temps, le franc ne cesse de se dévaluer. On achète alors tout ce qui peut représenter un placement sûr – de l’or, des bijoux, des terres – ou moins sûr – des Van Gogh, des Utrillo, des Valadon, des Modigliani – qui peuvent se révéler des investissements aux très heureuses retombées. Le monde de l’argent s’expose avec une telle obscénité dans les casinos et tous les lieux de plaisir que toutes les tendances politiques s’en offusquent.
Poincaré, l’ancien président, le Lorrain rigoureux, est alors rappelé aux affaires : on sait qu’il va appliquer fermement et même davantage le traité de Versailles. Cette fermeté se traduit par la décision d’occuper la région de la Ruhr et de ses riches minerais. Ainsi, l’Allemagne paiera sous la forme d’un « gage productif ». Mais les ouvriers allemands, face à cette décision, se mettent en grève : ils ne veulent pas travailler seulement pour la dette de guerre, et pratiquent une résistance passive. Poincaré décide alors de les faire remplacer par des ouvriers français – qui, inévitablement, doivent affronter au cours de heurts violents et sanglants, les Allemands qui les empêchent d’accéder sur leurs lieux de travail. Finalement, un nouveau calendrier du paiement de la dette est établi. Tout s’apaise avec les accords de Locarno, en Suisse, le 16 octobre 1925, où l’Allemagne, la France et la Belgique échangent la promesse de ne se livrer à aucune attaque ou invasion, bref, de ne plus se faire la guerre ! La paix définitive semble devoir s’installer lorsque, sur la proposition d’Aristide Briand en 1926, l’Allemagne est admise à la Société des nations !
La naissance du Parti communiste
L’égalité ! Le rêve de théoriciens comme Babeuf, Fourrier, Marx ! Le rêve se réalise enfin, à partir de 1917. Le rêve, c’est du moins ce qui est annoncé, car cette centralisation s’accompagne d’une dictature politique et économique difficiles à supporter, et ceux qui la refusent subissent des persécutions. Mais, vu de loin, ce système que Lénine, puis Staline, les dirigeants communistes, s’efforcent de rendre présentable aux yeux du monde – aux yeux de nombreux intellectuels français aussi, qui reviennent enchantés de leurs voyages en Russie soviétique, avant d’en revenir… – rassemble de nombreux espoirs. Ainsi naît, en décembre 1920, à Tours, le Parti communiste français. Il va trouver son soutien essentiel dans le monde ouvrier. Maurice Thorez en devient le secrétaire du bureau politique en 1930.