Poincaré absent, la situation devient confuse. André Tardieu, président du Conseil, et Pierre Laval, ministre du Travail, tentent de la stabiliser au centre droit. Cette stabilisation permet de voter une importante loi sur les assurances sociales – qui avait été préparée par Poincaré : tous les salariés dont le revenu annuel ne dépasse pas 15 000 francs devront être immatriculés au régime obligatoire dont le financement est assuré à parts égales par l’employeur et l’employé. Ce progrès social ne peut masquer une économie qui demeure archaïque : les entreprises sont peu concentrées, la rationalisation du travail ne parvient pas à être mise en place. Paradoxalement, ce retard va être favorable à l’économie : en effet, le krach du 24 octobre à Wall Street ne va atteindre l’économie française qu’en 1931, en raison même de ses structures vieillottes ! La crise, en France, est moins importante qu’ailleurs, et le chômage demeure limité.
L’instabilité ministérielle conduit à l’émergence d’idéologies d’extrême-droite, toujours promptes à proposer des solutions rapides, ou plutôt à pointer le doigt vers des responsables tout désignés. La gauche va alors s’unir pour former un front commun, le Front populaire.
De 1930 à 1934, la situation empire sur tous les fronts : Aristide Briand qui aurait pu ramener la confiance dans le pays est évincé au profit d’un président qui va finir sous les balles d’un exalté. Les ministres qui se succèdent ensuite échouent dans leurs tentatives de redressement économique.
Le républicain modéré Albert Lebrun lui succède le 10 mai. Il doit composer avec une Chambre des députés élue deux jours plus tôt, le 8 mai, avec une majorité de gauche. De 1932 à 1934, cinq ministres radicaux se succèdent – Paul-Boncour, Édouard Daladier, Albert Sarraut, Camille Chautemps, et Daladier de nouveau. Ils font face à la situation sans grande imagination, limitant les importations, augmentant les droits de douane, réduisant la production intérieure afin de combattre la chute des prix, diminuant les salaires, les dépenses publiques, le nombre des fonctionnaires. Sans grand succès.
Profitant d’une atmosphère d’incertitude et de doute, les ligues nationalistes multiplient leurs démonstrations de force. L’affaire Stavisky va servir leurs intérêts.
La France est alors si fatiguée, si déprimée en 1934, qu’elle est capable de se laisser aller à n’importe quelle idéologie l’assurant d’une guérison rapide. Cette idéologie se présente alors sous la forme des ligues nationalistes – les Camelots du roi qui sont liés à l’Action française. Ces ligues prétendent posséder toutes les solutions pour sortir le pays de la crise. Qui est responsable du malaise de la France ? Les républicains ! Que faut-il faire alors pour guérir la France ? Des réformes institutionnelles qui vont renforcer le pouvoir exécutif ! Comment impressionner son patient, la France ? En organisant des démonstrations de rues, en uniforme, avec l’air menaçant ! Et sur quoi prendre appui ? Sur une escroquerie dans laquelle, si possible, on trouve un Juif, cela afin d’aviver l’antisémitisme toujours prêt à surgir, comme un monstre qui attend son heure.