Au lieu d’aller en Poitou, Mérovée s’en va au Mans, fait semblant de rendre visite à sa mère retirée dans un couvent, et file à bride abattue à Rouen où il retrouve Brunehaut qui cède aux avances du jeune homme ! Tous deux, tout émus, demandent à Prétextat, évêque de Rouen, de les marier. Et Prétextat, parrain de Mérovée qu’il aime comme son propre fils, consacre en une union interdite par l’Église en raison du degré de parenté, son filleul et la belle veuve de Sigebert, unis dans une même passion !
C’est beau, l’amour, mais, quand Chilpéric est informé de ce mariage, en 576, il arrive en colère à Tours où les amants passent le premier quartier de leur lune de miel. À l’arrivée de Chilpéric, ils se réfugient dans l’église de Saint-Martin ! Chilpéric leur fait toutes les promesses du monde afin de les en faire sortir, et tout est bien qui finit bien puisque tout le monde s’embrasse et se congratule. Pas pour longtemps : Chilpéric et Mérovée doivent reprendre la ville de Soissons qu’un seigneur de Champagne avait investie en leur absence ! La ville reprise, Chilpéric accuse Mérovée de cette guerre. Il le fait tondre et entrer au monastère de Saint-Calais près du Mans. Brunehaut et ses filles sont renvoyées en Austrasie.
Et l’amour dans tout ça ? Il brûle toujours dans le cœur de Mérovée qui s’enfuit du monastère et tente de rejoindre Brunehaut. Mais les seigneurs d’Austrasie s’y opposent. Mérovée, trahi par les siens, devient un errant sur les chemins, suivi d’un seul compagnon fidèle à qui il demande de lui plonger dans le sein son scramasaxe, ce qui est fait en 578. Ainsi se termine, douloureuse et belle, cette page d’histoire qu’avec un peu d’audace on peut classer dans l’éphémère et rare romantisme mérovingien…
Revenons à Frédégonde : les trois fils qu’elle a eus du roi Chilpéric meurent en bas âge, emportés par une épidémie. Furieuse de n’avoir plus d’héritiers mâles capables de remplacer leur père, elle fait accuser de leur mort le fils que celui-ci a eu avec sa première femme, Clovis. Il est emprisonné et assassiné sur ordre de sa belle-mère Frédégonde heureuse de se rendre compte, dans le même temps, qu’elle est enceinte ! Elle donne naissance à celui qui deviendra le roi Clotaire II. Nous sommes en septembre 584. Chilpéric, tout heureux d’avoir un nouveau fils, rentre de la chasse à Chelles (en Seine-et-Marne). Soudain, un inconnu le frappe de deux coups de poignard. Est-ce Frédégonde qui a dépêché ce sicaire ? Nul ne le sait, mais certains le pensent. Est-ce elle aussi qui fait empoisonner, en 595, le fils de Brunehaut, Childebert II, roi d’Austrasie ? Probablement…
Le royaume de Neustrie et celui d’Austrasie se retrouvent alors aux mains des deux ennemies : Frédégonde et Brunehaut ! Elles vont se livrer d’incessantes batailles, cherchant à privilégier leurs enfants et petits-enfants, mues par les mêmes appétits et la même férocité que n’importe quel homme ! Frédégonde s’est assurée un pouvoir sans partage en faisant étrangler, poignarder, égorger, au fil des ans, tous ceux qui la gênent. Jusqu’à ce quelle meure tranquillement dans son lit, une nuit de 597.
Brunehaut la régente d’Austrasie va-t-elle enfin pouvoir dormir tranquille ? Point du tout ! Après mille péripéties guerrières, elle est livrée dans la ville de Renève, près de Dijon, en 613, au fils de Frédégonde, Clotaire II. Celui-ci accuse de tous les crimes de la terre la vieille femme qui a presque soixante-dix ans. Il la fait torturer pendant trois jours. Et au bout de trois jours, il l’installe sur un chameau afin que ses soldats l’insultent et l’humilient. Puis, pour parachever le calvaire de l’ennemie de sa mère et signer de son nom, Clotaire II, la plus ignominieuse, la plus abjecte des vengeances, il fait attacher nue Brunehaut par une jambe, un bras et par les cheveux, à un cheval fougueux qui est lâché de sorte que la vieille reine meurt dans d’atroces souffrances. Ainsi, dans le galop d’un cheval fou, se termine l’histoire de Brunehaut et Frédégonde. Ainsi demeure l’horreur ultime de cette histoire qu’on pourrait résumer, par dérision, sous ce titre : la Belle et la Bête…
On pourrait légitimement tout craindre du successeur de Clotaire II et de Frédégonde, deux gouvernants qui n’ont reculé devant aucune monstruosité, aucun crime d’intérêt, que les années de prospérité vécues entre la fin de Brunehaut et la mort du roi Clotaire en 629 n’absolvent en rien. Mais, l’enfant de Bertrade – femme de Clotaire –, le petit-fils de Frédégonde, Dagobert, est l’antithèse de ses prédécesseurs.