Conservons le meilleur ou le pire pour la fin. Le pseudo-Frédégaire, dans sa chronique, écrit : « Il serait impossible d’insérer ici les noms de toutes les concubines de Dagobert ; elles ont été si nombreuses que cela grossirait trop la chronique. » On l’a compris, Dagobert ne faisait pas que rendre la justice, ou bien écouter Éloi, Didier ou Ouen ! Il avait d’autres occupations ! La chronique le dit « enflammé de sales désirs » et « se livrant plus qu’il ne convient à l’amour des femmes ». Il y eut Gonatrude épousée en 626, et répudiée quatre ans plus tard. Il y eut Natechilde qui fut la mère de Clovis II ; puis Ragnetrude, mère de son second fils ; il y eut Ulfonde, Vulféconde, Berthilde… Arrêtons là ! Le reste du livre n’y suffirait pas !
Le bon roi Dagobert
« Le bon roi Dagobert / À mis sa culotte à l’envers / Le grand saint Éloi… » Saint ? Déjà saint de son vivant près de Dagobert ? Et puis culotte? Il n’y a pas de culotte à cette époque, on n’en parle pas encore, cela viendra beaucoup plus tard, au point que ceux qui refusent de la porter, car c’est un signe d’Ancien régime, se feront appeler les Sans-culotte. Cela sent la Révolution de 1789, non ? Eh bien oui ! Dans cette chanson de 1787, ce n’est pas Dagobert qui est mis en scène, mais Louis XVI dont on se moquait, car il était un peu étourdi ! Faisant référence à un roi lointain, les auteurs malins se mettaient hors de portée de la censure.
Dagobert disparu, le royaume franc est divisé en deux groupes : l’Austrasie où règne depuis 634 Sigebert III, neuf ans, fils de Dagobert et de Raintrude, et la Neustrie – Bourgogne qui a pour roi Clovis II, trois ans, fils de Dagobert et de Nanthilde. C’est à ce moment qu’apparaissent ceux qu’on appelle les maires du palais. Ils assistent ou plutôt remplacent les rois trop jeunes pour gouverner, ils prennent des décisions politiques, économiques qu’ils s’efforcent de faire appliquer, bref, ils jouent un rôle de plus en plus important, de plus en plus précis. Et ils sont de plus en plus présents sur la scène de l’histoire.
Les maires du palais, grands intendants, prennent plaisir à l’exercice du pouvoir, au point que leur objectif devient progressivement l’occupation du trône, un objectif qu’ils vont atteindre.
Les maires du palais
Qui étaient à l’origine ces maires du palais ? C’étaient en réalité les majordomes de la maison du roi. Les maîtres de la maison. Ils étaient chargés de l’intendance, de la surveillance des lieux où vivait le roi. Ils veillaient à l’approvisionnement, à la nourriture. Mais leur rôle s’apparentait aussi à ce qu’on appelle aujourd’hui la direction des ressources humaines. Le maire du palais est donc un genre de super DRH qui viserait le poste de P-DG ! Parce qu’il détient la clé des vivres, on le respecte, on l’entoure d’attentions intéressées. Peu à peu, il prend la première place dans le temps des guerres civiles, de toutes les périodes troublées. C’est un fin diplomate qui doit jouer le trait d’union entre les nobles et le roi. Il représente donc un troisième pouvoir, un pouvoir qui s’affirme supérieur à mesure que la royauté s’enlise dans ses guérillas de succession.
Le premier maire du palais qui ait eu un rôle important se nomme Pépin de Landen (580 - 640). Pépin de Landen est le chef d’une famille de grands propriétaires influents dans les pays du Rhin et de la Moselle. Allié à une autre famille, celle d’Arnoul qui devient évêque de Metz, Pépin de Landen fonde une sorte de dynastie parallèle, les Pépinides ou Pippinides, qui va peu à peu se substituer à celle des Mérovingiens pour donner naissance à celle des Carolingiens. Mais nous n’en sommes pas encore là.