Le chevalier est un cavalier qui, à l’origine ne possédait que ses armes, son armure et son cheval, et tout cela lui coûtait fort cher. Le temps passant, des chevaliers se sont installés sur des terres conquises ou offertes, parfois immenses ; d’autres, sans doute moins bons gestionnaires, n’ont pas accru leur avoir au point de pouvoir demeurer indépendants. Alors ils vont demander la protection d’un plus fort, d’un plus riche, au cours d’une cérémonie qui s’appelle l’hommage. Le chevalier qui demande la protection de l’autre s’avance vers son dominant, sans arme, tête nue, vêtu simplement ; son attitude traduit un complet abandon. Il se prosterne, s’agenouille, se fait le plus humble possible, tend ses mains au-dessus de sa tête, et les met dans celles de son nouveau maître. Celui-ci le relève et lui donne le baiser qui est une sorte du contrat entre le dominé, le vassal, et le dominant, le seigneur ou suzerain.
L’adoubement
Entre dix-huit et vingt ans, le jeune noble devient chevalier au cours d’une cérémonie appelée l’adoubement. Ce mot vient d’une racine francique signifiant frapper. Pourquoi ? Parce que le jour où il devient chevalier, le postulant reçoit d’abord son épée, puis, du plat de la main, un grand coup sur la nuque, asséné par son parrain. Cette gifle était la seule qu’il ne devait pas rendre… Ensuite, il enfourche son cheval, le lance au galop, et doit, d’un seul coup de lance, atteindre la quintaine, ou le faquin, sorte de mannequin accroché à un poteau. Malheur à celui qui ratait cette cible : le mannequin était placé de telle sorte que le jeune maladroit le recevait en pleine tête et se trouvait souvent désarçonné. La honte !
Le vassal reçoit alors du suzerain un fief qui peut aller du simple champ à un domaine important. C’est ce qu’on appelle une tenure. Le fief devient héréditaire, mais chaque fois qu’il est transmis à la génération suivante, l’hommage doit être renouvelé, sinon, le fief est confisqué ! La tenure est parfois si importante que le vassal prend lui-même des vassaux. Ainsi se crée une solide pyramide au sommet de laquelle se trouve le roi, autorité de prestige qui n’a de rôle que dans le domaine de la justice, lorsqu’il lui est demandé d’user de son pouvoir suprême. Le contrat oral entre le vassal et le suzerain prévoit aussi que le premier, en cas de nécessité, doit fournir au second les hommes d’armes qu’il demande. Le vassal paie la rançon du suzerain lorsqu’il est fait prisonnier. Enfin, il doit le service d’ost. Qu’est-ce que le service d’ost ? Ost vient du latin hostis : l’ennemi, puis, par extension, l’armée ennemie. Crier l’ost, c’est convoquer les vassaux pour aller lutter contre l’ennemi. L’ost annonce une guerre importante. La petite guerre entre seigneurs voisins est une chevauchie.
Les deux manches et la belle
À quoi passe-t-on son temps quand la guerre contre le voisin s’interrompt un peu ? À la chasse, à courre ou au faucon. Il faut préserver les récoltes des hardes de sangliers, il faut aussi traquer le loup malin qui peut entraîner à sa suite les chasseurs sur plus de dix lieues – près de cinquante kilomètres – sans interrompre sa fuite pleine de ruses. Autre activité : le tournoi. On l’annonce quinze jours à l’avance, à grand coup de trompes et trompettes dans les châteaux – c’est l’esclandre : le tapage annonciateur. Des chevaliers accourent de partout, et c’est la grande fête ! Devant les dames qui ont revêtu leurs plus beaux atours, les manches notamment qu’elles offriront au vainqueur de chaque partie. Que remporte-t-on lorsqu’on gagne les deux manches d’un tournoi ? Un cheval, une selle, des armes, et – parfois – la belle…
Tout pourrait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, l’organisation pyramidale de la société exerçant une pression démultipliée dont l’effet conduirait au respect de la liberté de chacun. Point du tout ! Les vassaux combattent les vassaux, parfois se retournent contre leurs suzerains, lesquels, comme leurs vassaux se mettent en selle avec leurs troupes pour aller délimiter les frontières de leurs biens dès qu’un autre considère que ce sont les siennes. Des récits demeurent de cette époque où des régions convoitées sont dévastées : massacres, mutilations, pillages, viols sont le fait de ces seigneurs qui prétendent préserver la paix, mais qui, dès qu’on touche à une parcelle de ce qu’ils estiment leur propriété, se déchaînent comme des chiens écumant de rage à leurs crocs découverts. Les cavaliers tuent, incendient, torturent. Où, l’idéal chevaleresque ? Où, l’humanité ? Où, la noblesse ?
Vassal, seigneur, suzerain