Mais l’habileté des manœuvres anglaises et surtout l’adresse des archers – qui ont le temps de tirer trois flèches pendant qu’un arbalétrier n’en ajuste qu’une – mettent en déroute ce barrage inefficace. La flotte française subit un désastre : 170 navires sur 200 sont perdus, 15 000 soldats sont morts, l’un des chefs de l’expédition, Hue Quiéret, est décapité à même le bastingage du bateau où il agonise, pendant que l’autre, Nicolas Béhuchet, est pendu au mât. Philippe de Valois qui envisageait un débarquement en Angleterre doit abandonner le projet. Il n’a pas le temps de reprendre son souffle : déjà, en Bretagne, un nouveau front de rébellion se développe.
À l’ouest, du nouveau : le 30 avril 1341, de retour de Flandre, le duc de Bretagne Jean III meurt sans enfant. La succession s’annonce difficile : d’un côté, Jeanne de Penthièvre, elle est l’épouse de Charles de Blois, neveu de Philippe de Valois, le roi ; de l’autre, Jean de Montfort, le demi-frère de Jean III défunt. Le plus prompt est Jean de Montfort qui affirme que la Bretagne, étant un fief du royaume, doit être traitée selon les lois régissant la France et, de ce fait, interdire à une femme de succéder à un homme. Au cri de « La Bretagne aux Bretons ! », il rassemble une armée et s’en va à Windsor chercher un appui, assurant Édouard III qu’il le préfère nettement au roi de France Philippe de Valois ! Un front anglo-breton se prépare !
Dans le même temps, la cour du roi de France désigne pour successeur à Jean III Jeanne de Penthièvre qui a épousé Charles de Blois – Jeanne cédant ensuite son titre à Charles. Celui-ci va devoir conquérir le duché de Bretagne pour sa femme ! Afin de mener à bien cette tâche, il demande l’aide du duc de Normandie, le futur roi Jean le Bon – fils de Philippe de Valois. Du 2 au 21 novembre 1341, ils font le siège de Nantes où les attend Jean de Montfort. Mais les bourgeois nantais craignant que leur ville soit mise à sac ouvrent les portes aux assaillants ! Jean de Montfort est alors fait prisonnier et emmené à Paris. Charles de Blois croit la partie gagnée. Il a oublié un élément capital : Jeanne de Flandre, l’épouse de Jean de Montfort, une femme très amoureuse qui n’abandonne pas son homme ainsi, et le remplace dans son rôle.
Jeanne de Flandre envoie dire à Édouard III qu’elle le considère roi de France, ni plus ni moins ! Son petit garçon de deux ans dans les bras, elle prend le commandement de 300 cavaliers, entre dans Hennebont sous les cris admiratifs de la foule en délire, et s’y installe. Bientôt, Édouard III débarque en Bretagne, pille les terres de Charles de Blois. Celui-ci tient Nantes et Rennes. La situation qui semble bloquée va se dénouer par l’intervention de deux cardinaux du pape Clément VI. Le 19 janvier 1343, les deux clans signent la paix, mais le dangereux face-à-face demeure. Paix fragile : le 2 août de la même année, au cours d’un tournoi, le roi Philippe de Valois fait arrêter Olivier III de Clisson qui cherche à se rapprocher des Anglais. Il le transfère à la prison du Temple, à Paris. Sans autre forme de procès, il le fait décapiter devant les halles. Sa tête est envoyée à Nantes où elle est fichée sur un pieu à l’une des portes de la ville : avis à ceux qui voudraient s’allier avec les Anglais !
Jeanne de Belleville, épouse d’Olivier de Clisson, appelle à la vengeance. Le roi l’apprend et fait immédiatement décapiter dix autres chevaliers bretons le 29 novembre 1343, les jugeant coupables d’avoir soutenu Clisson dans son projet anglais. Mais le 26 septembre 1345, Jean de Montfort meurt. La lutte ne s’arrête pas, elle prend la forme d’une incessante guérilla. Les partisans de Montfort lui désignent pour successeur son fils, le futur Jean IV, qui sera élevé en Angleterre.