Étienne Marcel, qui trouve que la situation s’enlise, et qui voudrait gouverner seul, va tenter un coup de force. Prétextant que le dauphin est mal conseillé, il convoque 3 000 mercenaires en armes qui bloquent le palais du Louvre le 22 février 1358. Il se rend ensuite dans la chambre du dauphin, et sous ses yeux, fait assassiner Jean de Conflans et Robert de Clermont, coupables à ses yeux d’avoir voulu dévaluer la monnaie afin d’assainir les finances ! Puis, en signe de protection, il coiffe le dauphin de son bonnet rouge et bleu, les couleurs de Paris. N’est-il pas nommé, lui, Étienne Marcel, le roi de Paris !
De nuit, le dauphin, effrayé par ce qui s’est passé, quitte la capitale et va chercher du secours en province, à La Ferté-Milon. Étienne Marcel comprend que c’est avec une armée que le dauphin Charles (ou plutôt régent de France, titre qu’il se donne à juste titre) va revenir pour reprendre Paris.
La jacquerie se poursuit cependant, au point que des seigneurs normands viennent demander à Charles le Mauvais d’intervenir. Celui-ci convie alors pour des négociations de paix le commandant de la jacquerie Guillaume Carle. Mais le Mauvais, fidèle à sa réputation de fourbe, s’empare de Carle et le fait décapiter le 10 juin 1358 ! La répression qui s’abat sur les jacques est terrible : 15 000 d’entre eux sont massacrés, leurs maisons sont incendiées.
La jacquerie cannibale
La jacquerie, révolte des paysans, a un aspect beaucoup moins misérabiliste qu’on a pu le croire. Ceux qui la composent désirent avant tout travailler en paix. Ils reprochent aux seigneurs de ne pas la leur garantir, car ils sont régulièrement victimes des bandes d’Anglais et des Navarrais qui entourent Paris et tiennent des forteresses où ils se réfugient. Les paysans sont aussi victimes des troupes du dauphin Charles qui cherchent à reconquérir ces forteresses. Et puis il a fallu payer l’équipement des chevaliers et des soldats de Poitiers, si honteusement battus. Il faut maintenant payer la rançon de Jean Le Bon qui se dore la pilule à Londres ! De tout cela, Jacques Bonhomme, le nom qu’on donne au paysan, n’est pas content. Et il le fait savoir avec, parfois, une cruauté qui dépasse l’imagination. La chronique de l’époque rapporte qu’ayant investi un château et tué le seigneur du lieu, les jacques le dépècent, le mettent à la broche et obligent sa femme à goûter leur rôti !
Étienne Marcel apprend fin juin 1358 que le dauphin, régent de France, non seulement marche sur Paris, mais qu’il va en faire le siège et couper toutes les voies d’approvisionnement. Le 19 juillet, une entrevue pour la paix rassemble le Mauvais, le régent et des représentants d’Étienne Marcel. Le régent promet l’indulgence aux Parisiens affamés à condition qu’ils se rallient à lui, ce qu’ils acceptent. Étienne Marcel sent que le pouvoir va lui échapper ! Il appelle au secours les Flamands qui n’auront pas le temps d’arriver.
Étienne Marcel ne dispose alors d’autre ressource que de faire entrer dans Paris la troupe des Navarrais de Charles le Mauvais – roi de Navarre, peu satisfait de l’entrevue de paix –, et celle des Anglais stationnés dans des forteresses environnantes ! Erreur fatale : des Anglais qui investissent la capitale ? Les Parisiens ne le supportent pas. Le 31 juillet 1358 au matin, Étienne Marcel s’en va ouvrir la porte Saint-Denis pour faire entrer de nouvelles troupes, celles de Charles le Mauvais qui est prêt à prendre le pouvoir. Le Mauvais, qui attend l’ouverture des portes, est certain de monter sur le trône dans les jours qui suivront l’installation de ses soldats dans la capitale ! Ainsi, il évincera du même coup Jean le Bon le prisonnier lointain, et son fils, le régent de France. Étienne Marcel deviendra son bras droit…