Mais, près de la porte Saint-Antoine, en ce matin du 31 juillet 1358 un bourgeois parisien, Jean Maillard – plus riche encore qu’Étienne Marcel, et parrain de son fils… – surgit et lui demande des comptes : « Étienne, que fais-tu là à cette heure si matinale, pourquoi t’apprêtes-tu à ouvrir la porte… ? » Sans attendre la réponse qu’il connaît bien, Jean Maillard accuse de traîtrise Étienne Marcel, sort de sous son manteau une hachette de laquelle il frappe à la tête le prévôt des marchands et deux échevins qui l’accompagnaient. La nouvelle de la mort d’Étienne Marcel se répand dans la capitale dont les habitants donnent alors la chasse aux Anglais, aux Navarrais. Deux jours plus tard, le régent de France fait son entrée dans Paris, ville apaisée. Il rassure les Parisiens, décrète l’amnistie. Son pouvoir sort consolidé de cette rude épreuve.
La Bastille : 1370 à 1789
Le 22 avril 1370, à Paris, à l’emplacement de la porte Saint-Antoine où Étienne Marcel a été assassiné, on pose la première pierre d’un château qui va porter le nom de la Bastille Saint-Antoine. Le mot bastille vient de bastide en provençal, et bastide a pour origine bâti. La bastille est un ouvrage de fortification qui peut avoir l’allure d’un château fort, ou même en être un à part entière. En cette année 1370, afin de prévenir de nouvelles invasions, les fortifications sont donc augmentées de cette bastille Saint-Antoine érigée grâce à la cassette personnelle de Charles V. Sa construction est confiée à l’architecte Hugues Aubriot qui en sera le premier occupant: accusé d’impiété, il y est emprisonné ! La Bastille était un château rectangulaire de 66 mètres sur 30, pour 24 mètres de hauteur. Elle comporte huit grosses tours reliées entre elles par un chemin de ronde. Ses murs à la base font plus de 3 mètres, et au sommet, moins de 1 mètre. Le tout est entouré d’un fossé large de 25 mètres et profond de 8 mètres ! On y entrepose des armes, des barils de poudre, des piques, des hallebardes, que tous les révolutionnaires s’empressent d’aller réclamer, jusqu’au 14 juillet 1789…
Pendant ce temps, à Londres, Jean le Bon boit du bon vin français, écoute ses ménestrels, consulte ses astrologues, et se laisse même aller à de douces amours… Plus pour longtemps.
En 1359, Édouard III veut faire signer à Jean le Bon, prisonnier à Londres, un traité qui restitue aux Plantagenêts toutes leurs possessions françaises ! Jean le Bon serait d’accord, mais son fils Charles, le régent, refuse tout net. Édouard III n’en tient pas compte ; il franchit une étape supplémentaire : il veut la couronne de France ! Elle lui revient de droit – prétend-il – à lui, et à lui seul, puisqu’il est le petit-fils de Philippe le Bel ! Il monte une expédition armée, débarque à Calais le 28 octobre 1359. Son objectif : Reims, afin d’y être sacré roi de France. Mais sur son chemin toutes les villes sont closes, les campagnes ravagées – le dauphin Charles (qui a sans doute lu l’histoire de Vercingétorix…) ayant ordonné la politique de la terre brûlée ! Édouard III se dirige alors vers la capitale, sans fourrage pour ses animaux, sans nourriture pour ses hommes. Il tente de mettre le siège devant Paris, mais le dauphin refuse le combat !
Les Anglais dépités lèvent le siège et se dirigent vers Chartres afin de trouver de quoi se nourrir et reprendre des forces. Mais le lundi 13 avril 1360, avant d’arriver à Chartres, ils sont pris sous un orage d’une violence inouïe, des grêlons gros comme des œufs affolent les chevaux, blessent des hommes. Les Anglais s’enlisent dans la plaine de la Beauce ! Avant que le ridicule s’installe, Édouard III – troublé par la colère du ciel – entame de nouvelles négociations à Brétigny, le 1er mai, près de Chartres.