Читаем Malavita encore полностью

Il souleva la paupière de Peter qui ronflait maintenant, saisit la bouteille de tequila, la vida dans l’évier et la rinça plusieurs fois avant de la reposer sur la table basse. L’après-midi même, il avait fait un calcul approximatif du nombre de Valium qu’il devait mélanger à une bouteille de tequila pour assommer un agent du FBI de quatre-vingts kilos ; en s’arrêtant à trois, il se laissait une marge de manœuvre de dix bonnes heures avant que Peter ne reprenne connaissance. Fred baissa le son du téléviseur, mit son blouson et s’arrêta un instant dans la cuisine. Il ouvrit le tiroir des couverts et saisit un couteau à viande si bien équilibré qu’il lui arrivait parfois de le lancer sur une planche à découper suspendue près de l’étagère à épices. Il le reposa pour saisir un pilon à pistou qui, frappé au bon endroit, pouvait provoquer un traumatisme crânien irréversible. Il le reposa aussi et préféra quitter la maison les mains vides. De loin, ses armes préférées.

*

L’adresse chiffonnée en main, Fred se gara le long des terrasses de l’avenue Aristide-Briand où un café accueillait les abonnés au dernier verre. À 1h30 du matin, il se dirigea vers le centre-ville et ne croisa pratiquement personne jusqu’à la rue Saint-Gaucher bordée de petits immeubles cossus de quatre ou cinq étages. Il poussa la grille du 41, pénétra dans un hall en stuc et cuivre, repéra parmi les noms des quatre locataires celui de Jacques Narboni, et passa sans avoir à la forcer la porte d’accès à l’escalier. Au quatrième et dernier étage, il stationna un instant devant le seul appartement du palier, et toqua plusieurs fois à une porte à double battant.

D’après la description qu’en avait faite Pierre Foulon, son locataire était bien le genre de type à boire des coups avec ses acolytes dans une boîte de nuit et rentrer avant l’aube pour commencer une partie de poker. Fred repéra les quelques marches qui conduisaient à une sorte d’entresol faisant office de grenier d’où l’on pouvait, par un escabeau et une trappe, accéder au toit. Il s’installa au mieux entre un matelas roulé et une série de tréteaux en bois, puis bloqua la minuterie en déplaçant un meuble d’angle couvert de poussière. Le reste n’était plus qu’une question de patience. Et, dans ces situations-là, Fred en avait à revendre. Attendre, il savait faire. Il avait appris. Parfois il s’en étonnait presque. C’était même le plus étrange paradoxe pour un enfant naturel de la Cosa Nostra.

Lui et ses congénères étaient sans doute devenus des truands à cause de leur impatience maladive. Tout gosses déjà, il leur paraissait impensable de suivre les étapes d’une existence classique, de faire des études pour obtenir un job, de vivoter plusieurs années avant de prendre du galon et espérer qu’une banque daigne les considérer comme solvables, de se languir durant les deux ou trois rendez-vous de rigueur avant qu’une femme ne leur offre son corps, et puis, à l’âge mûr, de compter les années qui les séparaient de la retraite pour profiter de la vie à temps plein. Un wiseguy n’attendait pas. Il ne demandait pas de crédit à la banque et préférait la braquer aussi sec, il allait directement voir une pute pour se passer une envie, il ne prétendait ni à un salaire ni à une retraite ni à des remboursements qui n’arriveraient jamais, et il ne s’adressait pas au bureau d’aide sociale pour qu’on examine son dossier. Alors d’où venait cette exceptionnelle aptitude à l’attente dès qu’il s’agissait de partir en mission ?

Fred avait passé des milliers d’heures — c’était sans doute son seul point commun avec un agent du FBI — à guetter un « client ». La patience d’un agent fédéral qui planquait pour coincer un suspect n’avait d’égale que celle d’une petite frappe qui exécutait un contrat. Il avait connu lui aussi sa part d’ennui absolu, le cul dans une voiture, à attendre qu’un pauvre type montre sa tête pour qu’on puisse lui tirer dedans. Il avait connu les gobelets de café tiède, les réussites aux cartes sur un coin de tableau de bord, les assoupissements le flingue à la main, les torticolis à force de fixer le rétroviseur, les coulées d’urine près du mur le plus proche, et, quand le client apparaissait enfin, on lui trouait la peau dans un soupir de délivrance. Si par malheur le job tournait mal, le wiseguy filait tout droit en prison pour trois mois, trois ans, trente ans, et restait allongé sur un bat-flanc, les yeux en l’air, à rêver à toutes les bêtises qu’il allait rattraper dès le premier jour libérable. Comble de l’ironie, un gars de LCN avait, au bout du compte, attendu cent fois plus dans sa vie que n’importe quel honnête citoyen. Et pour le coup, bien peu d’entre eux avaient droit à leur bungalow dans une maison de retraite.

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