Warren n’avait pas besoin d’en rajouter. Tom connaissait ce gosse par cœur, il l’avait vu évoluer, puis chuter et se remettre sur pied comme un vrai petit soldat, sans jamais se plaindre. Un gosse qui avait vécu la douleur du bannissement, un gosse qui avait été tenté par les valeurs et la carrière de son père mais qui avait compris toute l’horreur que représentait une vie entière au sein d’une organisation criminelle. Un gosse qui avait nié la tradition ancestrale de
— Je vais vous dire une chose terrible : l’idéal aurait été de le faire passer pour mort. Je me voyais bien jouer le rôle de l’orphelin, tellement plus facile que celui du fils du monstre. Mais avant même que nous fassions connaissance, Lena savait que mon père était américain et qu’il écrivait des livres. Elle en a même lu un…
—
— Non,
Tom rêva un instant au soulagement que serait, pour lui aussi, la mort de Fred. Plus rien à redouter de son ennemi de toujours, fin du dispositif de surveillance, et les membres de LCN continueraient à se déchirer entre eux en imaginant Fred bien vivant, en train de se la couler douce — le couronnement du programme Witsec. Cela voulait dire aussi, pour Tom, des retours plus fréquents aux États-Unis, et la satisfaction d’avoir survécu à ce salopard qui ne l’avait pas épargné depuis douze ans.
— Comment allons-nous procéder ? Tout gosse, je vous voyais déjà régler les problèmes que mon père posait.
— Cette fois, j’ai besoin d’un temps de réflexion.
— Ne me laissez pas tomber.
— L’ai-je jamais fait ?
Maggie ne se forçait plus à rassurer ses troupes par une bonne humeur toute feinte. Chaque étape de sa journée lui demandait de puiser dans des ressources qu’elle n’avait plus, comme il lui était de plus en plus pénible de dissimuler la gravité des problèmes de La Parmesane. Après la désertion de ses précieux fournisseurs, elle en avait trouvé de nouveaux, moins bons et trop chers pour ses faibles moyens. Personne ne s’était rendu compte que la qualité avait à peine baissé, sinon Clara, seule dans la confidence. Avec le temps, elle aurait pu surmonter ce coup bas si, comme elle s’y attendait, d’autres n’étaient venus la frapper.
Francis Bretet vint la voir à la boutique et lui proposa une
Peu de temps après son refus, une dénonciation anonyme provoqua la visite des services d’hygiène. Deux agents de contrôle passèrent au crible tout ce qui pouvait l’être, la température des produits, les risques de rupture de la chaîne du froid, ils procédèrent à des prélèvements pour les analyser en labo, ils vérifièrent les huiles de friture usagées, les congélations, les conditions d’emballage, ils fouillèrent l’arrière-boutique, les frigos, la cave, et inspectèrent les éviers, lavabos et W-C du personnel. Ils constatèrent l’absence de rongeurs et d’insectes, et ne relevèrent aucune infraction, aucun produit corrompu ou non conforme à la réglementation, ou présentant un danger pour les consommateurs. Selon la Direction des affaires sanitaires et sociales, La Parmesane était aux normes, ce que Maggie savait déjà.
Quelques jours plus tard, elle eut la visite de l’inspection du travail, suite à des
Maggie ne parut pas étonnée quand, peu de temps après, elle eut droit à un contrôle fiscal. On vérifia la totalité de la comptabilité, les déclarations de TVA et de taxe professionnelle, les relevés de compte bancaire, le bail commercial, les contrats avec les fournisseurs, l’origine des frais financiers, les emprunts, les découverts, les crédits, le livre d’inventaire, les documents annexes de recettes et de dépenses et les notes de frais. La comptabilité fut considérée comme sincère et régulière et Maggie reçut un avis d’absence de redressement.
À tous les contrôleurs qui défilèrent durant cette période perturbée, elle fit goûter ses