Читаем Malavita encore полностью

Même si elle les avait surmontées, toutes ces nuisances lui paraissaient bien injustes et lui avaient pris tout le temps dont elle aurait eu besoin pour régler d’autres problèmes. Elles émoussaient sa confiance en elle et la rendaient irritable. Un soir, au téléphone, elle refusa de prendre la commande d’un client qui appelait tous les jours ; dans un accès de paranoïa, elle le soupçonna d’opérer une razzia sur son stock, juste avant le rush, afin de tuer l’offre auprès de sa clientèle. Le type tomba des nues devant une telle accusation — il était juste accro aux aubergines à la parmesane et en abusait sans doute, mais il ne travaillait pas pour la concurrence. Ça ne calma pas l’agressivité de Maggie : Si vous dites vrai, vous êtes en train de vous rendre malade. Nos produits sont de tout premier ordre mais un estomac ne peut pas supporter cette quantité de fromages et de sauce tomate tous les jours. Comment ça, ça ne me regarde pas ? Si, ça me regarde, ma cuisine ne rendra personne malade. Ce soir-là, elle resta un bon moment dans la pénombre, assise sur le banc faisant face à l’usine à bouffe de Francis Bretet, qui tournait à plein régime. À ses idées sombres se mêlèrent des images d’une violence inouïe. Maggie savait qu’il était inutile de les refouler et attendit qu’elles passent.

*

À peine venaient-ils de faire l’amour, avec la rage des amants séparés par une éternité de trois jours, que François Largillière alluma le projecteur au-dessus de son lit. Comme d’autres s’endormaient ou fumaient une cigarette, lui n’aimait rien tant, entre deux ébats, que de faire défiler des images sans forcément leur prêter attention. Belle se demanda à nouveau pourquoi l’homme qu’elle aimait ne parvenait pas à prolonger leur frénésie par une tendre étreinte. De surcroît, Largillière ne goûtait que les films d’action qui vidaient l’instant de toute son intimité. Il aimait le fantastique intello, le gore raffiné, la science-fiction pourvu qu’elle soit un peu sanglante et, surtout, les films de gangsters qui savent mêler le cruel et l’émouvant. Genres pour lesquels Belle n’avait aucune attirance, mais elle finissait toujours par se blottir contre lui et s’assoupir, avant qu’ils ne s’enlacent à nouveau, ou que Largillière ne lui propose une idée extravagante pour prolonger la nuit.

— Belle ? Est-ce que vous avez vu Le parrain ?

— Le parrain ?

— Oui, de Francis Ford Coppola.

François enclencha le DVD. Il était de la pire race des cinéphiles, ceux qui n’hésitent pas à commenter l’action, à traduire les enjeux psychologiques, ou à précéder d’une courte seconde un dialogue. Persuadé que Belle n’avait encore vu aucun des films qu’il plaçait au plus haut de son panthéon, il se faisait un devoir de l’initier au film noir en partant du principe que les femmes y étaient bien moins sensibles que les hommes.

— Oui, je sais ce que vous allez dire, ce sont des histoires de truands qui s’entre-tuent, mais ça va bien au-delà, si vous saviez !

Des destins terribles et sublimes, des luttes fratricides, de l’honneur et du sang, des larmes et des morts, que d’émotions ! Métaphysique du crime, testostérone et art lyrique, hymne à la vengeance, du grandiose ! Et la scène où une famille rivale veut tuer Vito Corleone à l’hôpital, et la retraite en Sicile avec la mort de la promise, et la Saint-Barthélemy du crime orchestrée par Michael, et surtout, les dernières images du film, la mort du père sous les yeux de son petit-fils. Quel déchirement ! Belle assista à ce panégyrique avec la patience d’une femme amoureuse et s’amusa de voir François se pâmer pour une réplique culte ou une scène mythique — tout devenait emphatique quand il s’agissait du Parrain. Son exaltation ne l’avait jamais quitté depuis l’adolescence, elle trahissait sa profonde admiration pour les gangsters tels que le film les dépeignait. Il s’agissait là d’une identification à son point ultime, le rêve doré de la plupart des hommes, cette virilité-là était rayonnante : fallait-il avoir des couilles, mais aussi du cœur, pour se faire une place au sein d’un clan mafieux.

C’était pour Belle le comble de l’ironie. François Largillière était le parfait contraire d’un affranchi. Il vivait reclus, fuyait les petits drames ordinaires de ses contemporains, rasait les murs quand un rendez-vous le poussait hors de son quartier. Il n’avait déménagé que deux fois dans sa vie et n’avait jamais mis les pieds dans cinq des vingt arrondissements de Paris.

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