150.000 livres de morue sèche
550.000 livres de biscuit
72.000 livres de pain frais
2.800 livres de fréquins de beurre
20.000 livres de fromage de Texel et de Leyde
144.000 livres de fromage (probablement d’une qualité inférieure)
550 ankers de genièvre
10.800 muids de bière
Si la lecture de la plupart des tables statistiques est desséchante, ce n’est pas le cas dans ce livre où le lecteur est noyé dans la grande futaille, les barils, les quarts de gallons, les canons de bon genièvre, et la bonne chère.
À l’époque, j’ai consacré trois jours à la studieuse digestion de toute cette bière, de ce bœuf, de ce pain, au cours de laquelle bien des pensées profondes me vinrent, susceptibles d’une application transcendantale et platonicienne. En outre, j’ai consulté des tables, dressées par moi, des quantités probables de morue sèche etc. consommées par chaque harponneur de l’ancienne pêcherie au Groenland et au Spitzberg. Tout d’abord, les quantités de beurre et de fromage de Texel et de Leyde consommées paraissent surprenantes, je les impute, toutefois, à leur naturel lardeux, à un appétit de graisse augmenté par leur métier et plus spécialement au fait qu’ils poursuivent leur gibier dans ces glaciales mers polaires, et jusque sur les côtes du pays des Esquimaux dont les
La quantité de bière est également énorme: 10.800 barils. Or, comme, en ces régions arctiques, la pêche ne
Mais en voilà assez. Nous en avons dit suffisamment pour montrer que les baleiniers hollandais d’il y a deux ou trois siècles étaient de bons vivants et que les baleiniers anglais ne méprisaient pas un si excellent exemple car, disent-ils, si vous naviguez avec une cale vide d’huile et ne pouvez rien retirer du monde de mieux, prenez-lui au moins un bon repas. Cela déleste la carafe.
CHAPITRE CII
Jusqu’ici, en décrivant le cachalot, je me suis avant tout attardé à ses merveilles extérieures ou bien j’ai traité séparément de quelques-unes de ses structures internes. Mais pour avoir de lui une vue d’ensemble et une compréhension plus complète, il me faut maintenant le déboutonner plus avant, délacer son pourpoint, ouvrir les boucles de ses jarretières, détacher les agrafes et les crochets des jointures de ses os les plus secrets et vous le livrer dans son principe fondamental, c’est-à-dire son squelette.
Mais comment, Ismaël? Comment se fait-il que vous, simple canotier, ayez la prétention de savoir quoi que ce soit du monde intérieur de la baleine? L’érudit Stubb, perché sur le cabestan, vous aurait-il fait des cours sur l’anatomie des cétacés? Vous aurait-il viré une côte au guindeau pour ses démonstrations? Explique-toi, Ismaël. Pouvez-vous disposer sur le pont un cachalot adulte pour étudier, comme un cuisinier met un rôti de porc sur un plat? Sûrement pas. Jusqu’ici, Ismaël, vous vous êtes montré un témoin authentique, mais prenez garde à présent de ne pas vous octroyer le privilège du seul Jonas, celui de discourir de poutres, de solives, de chevrons, de faîtage, de lambourdes, de chevillages, composant la charpente du léviathan, ainsi que des tonneaux de graisse des laiteries, des beurreries et des fromageries de ses entrailles.
J’avoue que, depuis Jonas, peu de baleiniers ont pénétré plus avant que l’épiderme d’un cachalot adulte, pourtant j’ai eu la chance bénie d’en disséquer un en miniature. À bord d’un navire auquel j’appartenais, un bébé cachalot fut hissé en entier sur le pont pour son estomac dont on fait des fourreaux pour les barbelures des harpons et pour les fers de lances. Pensez-vous que j’aie laissé passer l’occasion de me servir de ma hachette d’embarcation et de mon couteau de poche pour briser le sceau et lire le contenu de cet enfant?