- Vous exigez que je défasse moi-même mes culottes pour recevoir le fouet ! crie Napoléon. C'est par trop fort, vous voudriez me mener à la baguette ! Croyez-vous donc que je n'aime pas le repos autant que vous ? que je sente moins que vous le besoin de la paix ? Je ne me refuse à rien de raisonnable pour arriver à la paix, mais ne me proposez rien de honteux, puisque vous êtes français !
Mais le sont-ils encore ? On m'assure que Caulaincourt a commencé ses discussions avec les plénipotentiaires ennemis en leur disant : « Je suis tout aussi européen que vous pouvez l'être, ramenez-nous en France par la paix ou par la guerre et vous serez bénis par trente millions de Français. »
Traître !
Mais qui d'autre puis-je utiliser ? Et quelle importance, puisque tout se décidera sur le champ de bataille ? Que Caulaincourt parle, négocie, me vende. Tant que j'aurai une armée, qu'on vienne me prendre !
Allez, Caulaincourt, armistice jusqu'au 10 août, cherchez à savoir ce qu'ils veulent de moi !
Il écrit à Marie-Louise.
« Ma bonne amie, j'ai causé bien longtemps avec Metternich, cela m'a fatigué. Metternich me paraît fort intrigant et fort mal conduire Papa François. Cet homme n'a pas assez de tête pour sa position.
« Mille choses aimables.
« Nap. »
Tout est calme en apparence. Il parcourt la campagne à cheval. Les journées sont chaudes et orageuses. Il visite les bivouacs des troupes, les places fortes. Il passe en revue les troupes saxonnes.
Qui peut dire si elles ne retourneront pas leurs fusils contre moi ?
Dans cette partie du tout ou rien, je dispose de cartes mais leur valeur réelle dans le jeu est incertaine. Où est l'enthousiasme de ceux qui m'entourent ?
Voici Fouché, que j'ai convoqué à Dresde pour lui confier le gouvernement des provinces illyriennes en lieu et place de ce pauvre fou de Junot
.Je le reçois le 2 juillet 1813. Il sait depuis hier, comme moi, que Wellington a remporté il y a dix jours une victoire éclatante à Vitoria, et qu'il ne s'agit plus de conserver l'Espagne mais de défendre la frontière des Pyrénées
.J'ai demandé au maréchal Soult d'aller prendre le commandement, et j'ai retiré à mon frère Joseph tous les pouvoirs. Et voilà que la maréchale Soult, qui s'imaginait pavaner à Dresde en grand équipage, vient protester. Son mari est fatigué de guerroyer en Espagne, dit-elle
.« Madame, je ne vous ai point demandée pour entendre vos algarades. Je ne suis point votre mari, et si je l'étais vous vous comporteriez autrement. Songez que les femmes doivent obéir ; retournez à votre mari et ne le tourmentez plus ! »
Voilà ce qu'il me faut dire aussi ! Voilà l'état d'esprit de mes maréchaux et de leurs femmes !
Et maintenant, Fouché qui me conseille comme Berthier ou Caulaincourt de céder. Comment ne comprend-il pas, lui, qu'on ne veut pas obtenir de moi certains territoires de l'Empire mais tout ce qui fait l'Empire, et ma personne, ma dynastie en sus ?