Nous avions donc choisi nos objectifs de manière à éviter, autant que possible, de tuer qui que ce soit. Le choix avait été difficile pour la Mideuropa, où nous avions dû nous rabattre sur des plans d’eau ou de hautes montagnes : l’Adriatique, la mer du Nord, la Baltique, et ainsi de suite. Pour le reste, Terra est surtout composée d’espaces désertiques, malgré ses onze milliards de géniteurs affairés.
L’Amérique du Nord m’avait paru terriblement peuplée mais son milliard d’habitants s’entasse aux mêmes endroits et il subsiste encore des terres vierges, des montagnes et des déserts. Nous avions quadrillé l’Amérique du Nord pour prouver notre précision de tir. Mike nous avait affirmé qu’une marge de 50 mètres serait, pour lui, une grossière erreur. En examinant les cartes, il avait repéré au radar toutes les intersections équidistantes, 105° Ouest par 50° Nord pour prendre un exemple. Quand il n’y avait pas de ville à cet endroit, nous le choisissions… et tant mieux si une ville se trouvait suffisamment proche de l’impact pour nous assurer des spectateurs bien effrayés.
Nous avons averti que nos bombes auraient la puissance de bombes H mais nous avons bien fait remarquer qu’il n’y aurait pas la moindre retombée radioactive, aucune radiation mortelle – juste une terrible explosion, une forte onde de choc dans l’atmosphère et des répercussions telluriques. Nous avons prévenu que des immeubles même éloignés du point d’impact pourraient s’écrouler et que, en conséquence, nous laissions les Terriens décider eux-mêmes de la distance qu’ils devraient mettre entre eux et le point de chute. Et s’ils se précipitaient sur les routes et provoquaient des encombrements monstres, davantage causés par la panique que par le danger réel, eh bien, tant mieux, c’était ce que nous voulions !
Mais nous avons surtout insisté sur le fait que personne ne serait blessé si l’on tenait compte de nos avertissements, que nous avions toujours choisi pour premiers objectifs des zones inhabitées. Nous avons même proposé d’annuler toute cible pour laquelle une nation nous ferait savoir que nous possédions des renseignements erronés sur ladite zone (précaution inutile : la puissance de vision du radar de Mike était de 5 sur 5).
Mais en taisant ce qui arriverait avec la deuxième série de bombardements, nous laissions supposer que notre patience avait des limites.
En Amérique du Nord, nous avions choisi des sites se situant sur les 35e
, 40e, 45e et 50e parallèles Nord et sur les 110e, 115e, 120e méridiens Ouest, soit douze cibles. Pour chacune d’elles nous avons envoyé des messages personnalisés, tel que celui-ci :« Pour la cible se trouvant par 115° Ouest et 35° Nord, le but choisi est déplacé de 45 kilomètres vers le nord-ouest pour viser exactement le sommet du New York Peak. Citoyens de Golfs, Cima, Kelso et Nipton, veuillez en prendre note. »
« Pour la cible se trouvant par 110° Ouest et 40° Nord, il se trouve exactement 30° à l’ouest de Norton, dans le Kansas, à 20 kilomètres, soit 13 miles anglais. Les habitants de Norton, dans le Kansas, et ceux de Beaver City et de Wilsonville, dans le Nebraska, doivent prendre des précautions. Restez éloignés des surfaces vitrées. Il est préférable d’attendre à l’intérieur au moins trente minutes après l’impact à cause de la possibilité de chutes tardives de débris. Ne pas regarder l’éclair à l’œil nu. L’impact se produira à 3 heures exactement, heure locale, le vendredi 16 octobre, soit à 9 heures, heure de Greenwich… Bon courage ! »
« Cible 110° Ouest et 50° Nord, l’impact sera déplacé de 10 kilomètres vers le nord. Population de Walsh, dans la Saskatchewan, veuillez en tenir compte. »
En dehors de ces endroits, nous avons choisi un objectif en Alaska (par 150° O – 60° N) et deux autres au Mexique (par 110° O – 30° N et par 105° O – 25° N) pour que ces pays ne se croient pas oubliés, ainsi que quelques cibles sur la région Est, la plus habitée. Mais nous avons surtout choisi des plans d’eau, comme le lac Michigan, à mi-chemin entre Chicago et les Grands Rapides, et le lac Okeechobee en Floride. Partout où nous avons choisi des plans d’eau, Mike a établi des prévisions pour les raz de marée provoqués par les impacts, avec un horaire précis pour toutes les localités se trouvant sur le rivage.