Cette seconde cave, taillée à même le roc, était beaucoup plus humide et son sol sombre, un peu boueux, collait aux semelles.
— C’est à cela que lui servent les bottes, dit Matthieu qui rejoignit son collègue et alluma le plafonnier. Si précautionneux soit-on, il y a toujours une petite broutille qu’on néglige. Sans cette boue sur les bottes, pas sûr qu’on aurait cherché la seconde cave.
Tous deux considérèrent le coffre adossé au mur du fond.
— On peut siffler deux fois, dit Veyrenc.
Quelques minutes plus tard, le spécialiste examinait la lourde caisse avec une grosse lampe torche, en faisait jouer les boutons, l’oreille collée au mécanisme.
— Du costaud, dit-il, mais la fermeture est moins sophistiquée que celle du précédent. Comptez une bonne demi-heure.
Comme la première fois, Matthieu demeura à ses côtés pour observer le savoir-faire du perceur. Veyrenc annonça aux agents qu’ils pouvaient cesser de sonder et remettre tous les meubles et objets en place, en ne laissant qu’une table dehors.
— Il était où ? demanda Retancourt.
— Dans une deuxième petite cave creusée sous la cave. Le gars se donnait du mal pour atteindre son coffre.
Il était midi et Berrond sortit un grand panier préparé par Johan, distribuant à la ronde sandwichs, crêpes fourrées, parts de fromage, fruits, bouteilles de vin, gobelets et assiettes en carton, serviettes en papier.
— Vous en laissez pour Matthieu et le perceur, dit-il. Et vous me direz des nouvelles du vin, ajouta-t-il en s’adressant aux cinq gendarmes de Matthieu.
Ils achevaient le fromage quand le commissaire et le perceur les rejoignirent.
— Vous ne nous avez pas attendus ? dit Matthieu en souriant, son regard dirigé vers Berrond.
— Je n’ai pas pu, avoua Berrond, la bouche pleine. Mais vos parts ont été soigneusement mises de côté.
— On en a besoin, dit Matthieu en prenant place à côté du perceur, qui n’avait pas l’habitude de pique-niques aussi élaborés. Ne picolez pas trop, on a l’autre maison à visiter, celle de Jean Gildas à Bois-sur-Combourg. Quelqu’un connaît Bois-sur-Combourg ?
— Moi, dit un des gendarmes, ma sœur y habite. Un petit hameau de deux cents personnes, on ne peut pas faire plus tranquille. Si sa maison est située à une des extrémités du village, le gars pouvait aller et venir sans se faire remarquer. Quelle est l’adresse ?
— 7, rue de la Gare.
— Autant vous dire qu’il y a longtemps qu’ils ont démoli la gare. Mais c’est en effet au bout du village. Il doit s’agir de la vieille maison de briques à toit d’ardoises.
— Grande ?
— Un étage, mais à mon avis, trois pièces par étage.
Matthieu fit circuler plusieurs photos du coffre qu’ils venaient d’ouvrir, au contenu à peu près semblable à celui d’Hervé Pouliquen : liasses de billets, armes, bijoux, papiers.
— Robic prenait la grosse part, sans doute plus de la moitié, mais semblait équitable entre ses associés, dit Matthieu. Mettez des gants, on va sortir tout le contenu du coffre sur la table, photographier et sceller. Après le prélèvement de terre, on referme la seconde cave, on l’enfouit comme avant et on replace tout ce qu’on a sorti. Je n’oublie rien ?
— Les bottes, dit Veyrenc.
— Oui, les bottes dans un sac plastique. Et on termine de remettre en ordre.
Matthieu examina plus en détail le contenu du coffre à la lumière du jour, à mesure que le photographe prenait des clichés. Trois armes, de volumineux paquets de fric, deux colliers de perles, six bagues, trois passeports, dont le dernier ayant servi pour Los Angeles. Un autre était encore vierge de tampons, sans doute réservé à la nécessité soudaine d’une fuite. Quatre faux papiers de voiture et cartes d’identité, aux noms de Jérôme Verteuil, Georges Charron, Roger Fresnes et Martin Serpentin. Matthieu le prit en main et alla trouver Mercadet.
— Lieutenant, est-ce que Serpentin est le vrai nom de la vipère ?
— Oui, dit Mercadet après un court moment de recherche.
— Alors comment se fait-il qu’on dise qu’elle est la sœur de Joumot ?
— Deux minutes… Voilà, j’y suis. Son père, Serpentin, a divorcé et s’est remarié avec une femme qui avait déjà un fils : Alain Joumot. En réalité, Joumot est le frère adoptif de la Serpentin. Je suppose qu’on dit « frère » à Louviec parce qu’ils habitent ensemble et s’entendent comme cochons. Vous pensez à quoi ?
— Au fait qu’il est difficile pour certains de ne pas laisser une trace de leur passé dans leurs faux noms. Un des faux papiers de notre Yvon Le Bras est au nom de Martin Serpentin.
— Vous cherchez un lien entre Louviec et Robic ?
— Pourquoi pas ? En tout cas, il y en a peut-être un entre Yvon Le Bras et la Serpentin, et donc avec Joumot.
— Vous pensez que Joumot trempe là-dedans ?
— Disons qu’il peut au moins passer des renseignements. Lui ou sa sœur d’adoption. Allez, j’achève et on boucle, dit Matthieu en se levant.
— La maison est presque en ordre, il vous reste à terminer vos scellés et on est prêts, dit Berrond.