— Je repars à Rennes avec Verdun pour l’interrogatoire d’Yvon Le Bras, à présent qu’on détient le contenu de son coffre. Mais je n’en attends pas plus que de celui d’Hervé Pouliquen. Ces gars ont tous été à la même école, ils ne lâchent rien. Ils espèrent que leur chef les tirera de là.
— Eh, Matthieu ! dit Mercadet pendant que le commissaire s’éloignait.
— Quoi ?
— Les bottes !
Les opérations du matin se répétèrent dans la maison de briques de Jean Gildas, à Bois-sur-Combourg. Exploration de tous les meubles et sondage des cloisons et des sols. C’est après avoir vidé le bûcher d’une masse de rondins et de planches qu’ils mirent la main sur une vieille trappe salie de terre, qui contenait deux petits coffres, qu’on emporta à la lumière du jour. Le spécialiste s’assit dans l’herbe pour se mettre au travail tandis que le photographe sortait son appareil et que Veyrenc s’apprêtait à effectuer la mise sous scellés.
— Ils sont plus classiques que les deux autres, dit le perceur. Je pense en avoir fini quand vous aurez remis la maison en état. Moins de trente minutes.
À la même heure, Robic était déjà informé de l’arrestation du Prestidigitateur et de Domino. Pris aussi, tous les deux. C’était le désavantage de l’arme à feu par rapport au couteau. Une détonation faisait réagir les flics dans l’instant et courser les fuyards. Mais ils auraient dû s’en tirer, nom d’un chien. Un des flics devait courir plus vite qu’eux. Cependant, hors de question d’abandonner son plan, même s’il lui coûtait des hommes. Il était temps d’adresser son message, légèrement modifié, au commissaire. Auparavant, il appela le Joueur pour préciser les consignes.
— Ce soir, cible Adamsberg, dit-il, certainement entouré de gardes du corps. Il sortira sans doute quand il fera sombre. Tu connais sa gueule ?
— Oui, dit le Joueur avec réticence.
— Si serrés soient les gardes, il y a toujours un espace entre leurs jambes. Vise cet espace et blesse Adamsberg à la cuisse, sans toucher l’artère.
— Je connais les lieux. J’ai déjà mon plan en tête.
— Et comment pourras-tu viser ?
— Grâce à la lampe du porche de l’auberge.
— Ensuite, cours. J’ai l’impression qu’ils ont un agent très rapide.
— J’ai été médaille d’or au championnat national et je n’ai jamais cessé de m’entraîner.
— Vu le surcroît de difficulté, prime en cas de réussite.
Adamsberg, un peu abruti par les calmants, se remettait de sa blessure quand il reçut le message :
Pourquoi ne pas l’avoir abattu dès hier soir ? Pourquoi ces avertissements, quitte à y perdre des hommes ? se demandait Adamsberg pendant que l’infirmière refaisait son pansement. Première réponse : parce que Robic était certain que ses associés ne se feraient pas prendre. Dans l’ignorance, il avait omis le facteur Retancourt et il est vrai que sans elle, les gars auraient eu le temps de prendre le large. D’autre part, cette première attaque sans sommation mais non mortelle donnait à présent plein crédit à sa menace mais aussi le temps nécessaire pour que le ministère prenne sa décision quant à la libération des trois comparses. L’ultimatum n’arrivait donc que ce jour, le mardi, et Adamsberg l’adressa aussitôt à Matthieu, à l’attaché ministériel et au divisionnaire de Paris.
Matthieu, qui achevait l’interrogatoire – stérile – d’Yvon Le Bras, sentit ses jambes fléchir en lisant le message de son collègue. Le visage crispé d’anxiété, il montra le texte en silence à Verdun et sortit en le laissant achever le travail avant qu’il ne passe à l’interrogatoire de Jean Gildas, dit « Domino », dont le contenu du coffre venait d’arriver à Rennes.
Le commissaire fonça vers l’hôpital de Rennes et entra dans la chambre d’Adamsberg, blanc comme un linge.
— Merde, tonna-t-il, les mains nouées. Qu’est-ce qu’on fait ?
— J’ai déjà prévenu le divisionnaire et le ministère, dit Adamsberg avec calme. La décision est entre leurs mains : Gilles, le Prestidigitateur et Domino, ou moi. Tiens, voici déjà la réponse du divisionnaire de Paris. Elle vaut son pesant de lâcheté :
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