Читаем Sur la dalle полностью

— Peut-être, dit Adamsberg en attaquant son assiette, sans paraître incommodé du fait qu’il devait mourir le lendemain.

Le repas achevé, on attendit vingt-deux heures trente pour organiser la sortie d’Adamsberg. Sur ordre de Matthieu, Johan éteignit la lumière du porche et celle de la salle, vide de clients. La double porte de l’auberge était assez large pour laisser passer trois hommes de front. Noël vint garer la voiture du commissaire juste devant l’auberge, puis les huit hommes l’encadrèrent pour l’y conduire, deux devant, deux de chaque côté, et deux à l’arrière. Le Joueur, vêtu de noir, se déplaça sur le flanc du hêtre, accroupi. L’obscurité n’était pas totale et la lune, presque pleine, lui permettait malgré tout de scruter la scène. Tous les regards étaient dirigés sur le commissaire. Quand l’un des gardes ouvrit la portière et qu’Adamsberg se recula légèrement pour entrer dans la voiture, les deux hommes qui le protégeaient sur ses côtés, élargis par leur gilet pare-balles, laissaient un espace de presque trente centimètres entre leurs jambes et celles d’Adamsberg. C’était le moment. L’homme visa la jambe et tira sur la cuisse gauche. Adamsberg y porta son bras par réflexe, rouvrant sa blessure, et fléchit sur les genoux, émettant un cri rageur. Il y eut une bousculade, des exclamations, des ordres, pendant que le Joueur, qui avait aussitôt regagné l’arrière du hêtre, réussissait un bond en hauteur d’un mètre cinquante sans élan dans le noir puis se mettait à grimper sans effort le long du tronc lisse du grand arbre. Les premières branches se trouvaient à une hauteur d’environ douze mètres qu’il atteignit rapidement, puis il se hissa avec aisance de branche en branche et s’installa à vingt mètres au-dessus du sol. Qui aurait jamais l’idée de chercher le fugitif en l’air ?

Quatre gardes du corps continuaient de garder la portière devant Adamsberg au sol tandis que les quatre autres et les sept policiers regardaient de toutes parts, torches allumées, pour repérer l’homme en fuite. Nulle silhouette n’était visible, le tireur n’était pas dans la rue.

— Échec, dit Retancourt.

L’ambulance, qu’on avait fait venir à l’avance, emmena de nouveau le commissaire à l’hôpital de Rennes avec Veyrenc, tandis que chacun regagnait ses quartiers, tête basse. Le Joueur contemplait leur déception et se félicitait d’avoir touché Adamsberg comme prévu, sans dégât grave. Il attendit néanmoins plus d’une demi-heure sur son arbre, le temps que l’auberge ferme ses volets et que la rue soit déserte pour descendre prestement, s’enfuir par les ruelles et rejoindre la voiture qui l’attendait.

— Ce coup-ci, pas de pépin dit-il en bouclant sa ceinture. J’ai sauté dans le hêtre en face de l’auberge et je les ai regardés s’agiter en tous sens depuis mon perchoir à vingt mètres au-dessus du sol. C’était réjouissant. Pour demain, pour le véritable assassinat, l’affaire se complique. Mais les hommes octroyés au commissaire ne sont pas suréquipés. Ce sont des policiers de protection, certes, mais simplement munis de gilets pare-balles et de casques. Il y a une zone faible au niveau du cou. On peut tirer sur deux flics et toucher Adamsberg.

Pendant le trajet, le Joueur réfléchissait aux détails de la tactique du lendemain. Et dans le même temps, il souhaitait ardemment ne pas être désigné pour cette tâche meurtrière. Mais force était de préparer sa stratégie, il ne savait que trop ce qui l’attendait en cas de désobéissance.

Comme ce soir, les gardes feraient sortir Adamsberg directement depuis l’auberge dans la voiture, à la nuit tombée. Cette fois, il lui faudrait tirer dans le cou des flics, en biais à la base de la nuque pour éviter la carotide, et sur le commissaire. L’espace de temps serait très serré, tant pour tirer que pour remonter dans l’arbre. Il secoua tristement la tête, un peu nauséeux à l’idée de ce massacre.

Matthieu venait d’envoyer un message à Rennes demandant en urgence huit longs boucliers balistiques pour couvrir Adamsberg. Il était encore bien trop exposé, et singulièrement au cou. Une balle dans la trachée ou l’artère et c’en était fini. Outre une ambulance déjà sur place, il demanda la présence d’un médecin immédiatement prêt à intervenir et du matériel propre à soigner les blessures par balles.

Pour la seconde fois, les policiers se séparaient avec l’impression morose et furieuse d’avoir échoué dans leur mission, aggravée par la fuite du tireur qu’ils n’avaient pu empêcher. Retancourt fulminait, laissant échapper de ses lèvres un grondement sourd qui n’augurait rien de bon.

<p>XXXV</p>
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