— On voit bien que ce n’est pas de leur peau qu’il s’agit, s’écria Matthieu, dont les mains tremblaient en allumant une cigarette et en en passant une à son collègue. Oui, je sais, c’est interdit de fumer dans les chambres, dit-il en ouvrant la fenêtre, et je m’en fous. Dès ta sortie, tu vas remettre ton gilet pare-balles et ton casque, ne pas les enlever allongé sur ton menhir…
— Mon dolmen, rectifia Adamsberg.
— Oui, d’accord. Et te faire entourer de huit gardes du corps dûment équipés. Nuit et jour. C’est-à-dire que je dois obtenir vingt-quatre hommes pour qu’ils puissent alterner.
— Ça va être pratique pour aller pisser.
— Et dormir, se laver, etc., y aura toujours deux gars devant la porte de ta chambre et deux dans la pièce et la salle de douche. Pour pisser, débrouille-toi avec ton bras libre mais deux types t’accompagneront et garderont l’accès.
— Bien, dit Adamsberg en soupirant. Je sors dans deux heures. Prépare l’escorte et rapporte-moi mon matériel.
Les huit agents se retrouvèrent à dix-neuf heures devant l’auberge, et Johan étreignit Adamsberg. Tous étaient tendus, informés de la menace de mort qui planait sur leur chef. Un camion bleu stationnait non loin de la porte et une haie de huit gardes du corps se resserra autour du commissaire. Adamsberg examina les alentours plus précisément qu’il ne l’avait fait jusqu’ici.
— L’arbre énorme en face de chez toi, de l’autre côté de la rue, c’est bien un hêtre ? demanda-t-il à Johan.
— Oui et il a cent soixante-neuf ans, figure-toi.
Adamsberg l’observa un moment et conclut :
— Tronc immense, long, large et lisse, impossible à escalader. En revanche, cette voûte et ses colonnes forment une bonne planque.
— Qui sera inspectée, dit Matthieu. Rentrons. Inutile de s’exposer dans la rue.
— Tu n’as pas d’attelle, finalement ? demanda Veyrenc en s’installant à leur table.
— Juste une écharpe. Dans l’auberge, dit Adamsberg en ôtant son casque et son gilet, je peux tout de même me débarrasser de ce fatras ?
— Oui, dit Matthieu. Il y a deux hommes devant la porte et un devant chaque fenêtre. Et deux autres devant la sortie arrière, par l’ancienne chapelle. Ce soir, tu ne sors que quand il fera nuit. Pas avant vingt-deux heures trente.
— Ça me paraît raisonnable, dit Adamsberg. Quant aux gardes, ils doivent crever de chaud, la journée a encore été lourde. Paraît que ça va flotter demain.
— Je vais leur servir un verre, dit Johan.
— Ils n’ont pas le droit, dit Adamsberg en s’asseyant à son tour. Ils sont condamnés à l’eau.
— Très bien. De l’eau, avec un demi-verre de chouchen, ça fera pas de mal, si ?
— Non, dit Adamsberg, accordé.
— Et une tournée pour vous tous ?
Sûr de la réponse, Johan arrivait déjà avec la bouteille et les petits verres. Ses mains tremblaient légèrement. Il était certain que, même s’il ne l’avait pas vue, l’hirondelle blanche avait protégé Violette. Il essaierait d’en faire de même avec le commissaire.
— Ne t’en fais pas, Johan, dit Adamsberg d’une voix douce. Ce n’est pas ce soir que je vais mourir. C’est demain. Ah, réponse de l’attaché du ministère. Un chef-d’œuvre de veulerie. Je vous la lis.
— Enfoirés, dit Johan en emplissant les verres. Qui commande ces attaques ?
— Robic, à n’en pas douter, dit Berrond. Qui d’autre ?
— Ou Robic protégeant le tueur de Louviec, en visant à la tête de la Brigade pour démanteler l’enquête, dit Verdun.
— Ou le tueur de Louviec se protégeant lui-même, proposa Johan.
— Non, dit Mercadet. J’ai examiné l’origine de l’avertissement, elle est intraçable, l’appareil est crypté. Je ne vois pas le tueur de Louviec en possession d’un engin pareil. Cela ne peut venir que du côté de Robic, qui est suréquipé.
— En tout cas, dit Berrond, il y a un lien entre la bande de Robic et Louviec. D’une part l’assassinat du docteur, à la manière du tueur. D’autre part un des faux documents d’Yvon Le Bras porte le nom de Serpentin. Et la Serpentin est la quasi sœur de Joumot. Et rien ne nous dit que Joumot n’a pas barre sur Robic. Il doit connaître pas mal de choses.
— Et qu’ont donné les perquisitions du jour ? demanda Adamsberg.
— Les coffres contenaient le même fatras que chez Hervé Pouliquen, dit Matthieu. Fric, bijoux, armes, faux papiers à la tonne. Yvon Le Bras a suivi à Los Angeles, mais pas Jean Gildas. Son père était malade.
— Et les interrogatoires ?
Verdun soupira.
— La même musique, dit-il. Au début, des dénégations outrées, puis, face à l’évidence de leur butin et des faux papiers, le mutisme complet ou la théorie du complot. Ils semblent avoir une confiance aveugle en leur chef.
— Ils
— Il y a peut-être d’autres esclaves insoupçonnés dans Louviec.