— Une fois les chiens hors d’état de nuire, reprit Adamsberg, dix d’entre nous filent à l’arrière pour effectuer une seconde percée dans la haie et pénétrer de ce côté. Puis on cerne la maison. Combien de portes en façade, Josselin ?
— J’en vois une sur le devant et cinq fenêtres, dont deux un peu plus grandes, dit Mercadet.
— C’est cela, confirma Josselin. Mais on ne connaît pas la face nord.
— Il y a forcément d’autres ouvertures, dit Mercadet.
— Les deux plus grandes fenêtres doivent correspondre à la salle à manger, les autres aux chambres et bureau.
— À vingt heures, dit Adamsberg, il fera encore jour, mais les fenêtres ne sont pas grandes et ces longères sont sombres. Je pense qu’ils allumeront vers cette heure-là, comme le fait Johan ici. Ce sera le signal qu’ils sont rassemblés pour se mettre à table, et ce sera le moment de foncer.
— Et on fonce comment ? demanda Matthieu.
— Pas d’autre solution que de ramper sur l’herbe – ce qui vous protégera le cou – jusqu’à ce que vous ayez atteint les portes avant et arrière. N’oubliez pas : il fera jour. Donc restez bien à plat au sol, l’arme au poing et prêts à tirer. Moi, je ne pourrai que vous regarder depuis le trou de la haie.
— J’ai une photo de l’arrière de la maison, s’écria Mercadet. Sûrement quand elle était mise en vente. De ce côté, le mur est en briques.
— C’est souvent comme cela pour les vieilles longères, dit Josselin. Et donc, dit-il en examinant la photo, une porte nord et trois fenêtres.
— Et un détail essentiel, dit Retancourt en examinant la photo : un soupirail. Donc une cave. Mercadet, vous pouvez faire un gros plan ?
— C’est cela, dit Retancourt en reprenant l’appareil, et il est muni de barreaux. On peut passer l’avant-bras, mais pas tout le bras. Pas le mien en tout cas. Cela suffit pour tendre une arme.
— Je pense que la petite est là-dedans, dit Adamsberg. D’où les vêtements. Il fait froid dans une cave.
— Cela dépend de ce qu’a vu Maël, dit Matthieu. Est-ce que tous les volets de façade étaient ouverts quand tu étais en planque ?
— Je crois bien que oui.
— Alors, c’est sans doute là qu’elle est, dit Adamsberg. Ils n’auraient pas pris le risque de l’enfermer dans une chambre, elle a huit ans, donc très capable de défoncer une fenêtre avec une chaise.
— Surtout qu’elle est forte, ma petite Rose, dit Johan en servant la troupe des agents. Faut la voir transporter des bûches.
— Quand l’attaque aura commencé, il faudra que des hommes soient déjà prêts devant le soupirail. Néanmoins, elle peut tout aussi bien se trouver dans les combles.
— Une fois qu’on aura rampé jusqu’aux portes, comment on manœuvre ? demanda Verdun.
— On dézingue tout et on entre, dit Retancourt.
— Je traduis, dit Adamsberg. Les portes seront nécessairement fermées. On tire dans les serrures et on les encercle. Les gardes aux boucliers doivent entrer les premiers. Nous aussitôt derrière.
— Pas toi, dit doucement Matthieu. Et tu conserves les boucliers.
— Vous, aussitôt derrière, corrigea Adamsberg. Mattieu et douze hommes dans la pièce de devant, dix dans celle à l’arrière. Les policiers de Combourg suivront. Autant de flics contre six, je ne vois pas ce qu’ils peuvent faire. On les désarme et on leur colle à chacun le canon sous le cou. Cinq d’entre nous – d’entre vous – descendront à la cave pour sécuriser la petite, et cinq autres monteront au grenier.
— Et supposez que la porte de la cave soit blindée, commissaire ? demanda Retancourt. Si son coffre est là ?
— Guère probable, dit Matthieu. Ou ils n’auraient pas laissé un mur en briques à l’arrière.
— Exact. Avec une masse, un mur en briques, ça se défonce, dit Retancourt. J’en emporte une.
— Mercadet, demanda Adamsberg, vous pensez tenir le coup durant toute l’opération ?
— Non, dit le lieutenant en secouant la tête. Mais je veux être là. Je vais demander à Johan une thermos entière de café.
— J’ai mieux, dit Johan. Comme la petite potion que je vous avais servie pour aller dormir, mais à l’inverse. C’est un cordial de ma confection, c’est inoffensif et ça vous aidera à vous tenir éveillé. Évidemment, faut pas en prendre tous les jours. C’est pour des situations d’exception.
— Je prends, dit vivement Mercadet.
— C’est l’heure, dit Adamsberg en se levant sur sa béquille, pendant que son adjoint avalait son cordial maison. Faites entrer toutes les voitures sans bruit dans le chemin de terre. Josselin, il est assez large pour le camion ?
— Sans problème.
— Vous oubliez votre viande ! dit Johan en donnant deux boîtes à Matthieu.
— Pourquoi deux ? demanda Matthieu.
— Pour aller plus vite. Ils vous sentiront dès que vous aurez mis pied à terre. Il y a vingt bons morceaux. Dix par chien. De quoi les occuper un moment.
XXXVII
À dix-neuf heures quinze, la file de voitures démarra vers Montfort-la-Tour, escortée d’une ambulance demandée avec insistance par Adamsberg.