Peu de temps après, Adamsberg et son garde du corps étaient reçus par Josselin. La maison étant trop petite, les sept autres gardes étaient postés à l’extérieur.
— Quelque chose de grave ? demanda Josselin, un peu inquiet.
— Non, mais important pour lui, dit Adamsberg en désignant son nouveau camarade aux yeux bleus.
Le commissaire exposa la problématique à Josselin, qui y porta grande attention.
— Oui, j’ai un cheval dans un pré aux abords de Louviec. Je le monte souvent pour me promener dans les bois. Mais il est seul et c’est vrai que je le vois dépérir d’ennui, cela me soucie. La compagnie d’un ânon lui ferait le plus grand bien. Quand viendrait-il ? demanda Josselin avec quelque impatience.
— C’est que je ne sais pas où on achète un ânon, ni comment on le choisit, dit le garde.
— Moi oui. Si cela vous arrange, j’irai à la prochaine foire aux bestiaux, mardi prochain, et je vous en ramènerai un. Un doux, puisque vous avez un enfant.
— Ce serait formidable, dit le garde qui avait ouvert sa jaquette et dont le visage clair s’était coloré de plaisir. Je vous dois combien ? Monsieur le commissaire m’a dit environ trois cents.
— Ou trois cent cinquante. Mais vous me paierez quand je l’aurai acheté.
— Dites, intervint Adamsberg, convainquez votre femme d’abord.
— Si elle est d’accord, passez ici mardi vers onze heures. Ah, impossible, vous serez de service.
— Non, je suis de garde dimanche et lundi, donc j’ai mon mardi.
— Alors c’est parfait. Venez, et vous verrez les animaux faire connaissance. Mon cheval s’appelle Harmonica, parce qu’il adore quand je lui en joue.
Le garde referma sa jaquette, se leva droit comme un i et serra la main de Josselin, les yeux chargés de reconnaissance.
— C’est quelque chose, un dolmen, dit-il.
XLIII
L’équipe ne se retrouva qu’à vingt et une heures trente à l’auberge où Johan avait déjà dressé leur table à l’écart. Avant de prendre place, Adamsberg attira Mercadet à l’écart.
— Lieutenant, il faut impérativement effacer le message falsifié qui traîne encore dans le portable de Matthieu.
— C’est fait depuis ce matin, commissaire. Je n’allais pas laisser une bombe pareille dans son téléphone.
Adamsberg posa sa main sur l’épaule de Mercadet en guise de remerciement et rejoignit la troupe, qui entamait déjà l’entrée apportée par Johan. Matthieu balançait une enveloppe du bout des doigts.
— Tu te souviens qu’on avait envoyé les potions de la Serpentin aux analyses ? Ce sont les résultats, dit Matthieu en lui donnant l’enveloppe. Rien que de la flotte. Enfin, avec une baie de cassis écrasée par-ci, quelques brins de thym par-là, un clou de girofle pilé, de la cannelle, de l’anis, du vinaigre, des grains de poivre, et j’en passe, ça dépend de l’« utilité » des fameuses potions. En bref, de l’arnaque complète. Dans la fameuse potion censée endormir les Ombristes et affaiblir leur âme, tout simplement une petite dose de somnifère mélangée à de la fleur d’oranger et quelques gouttes de cognac. Tu te souviens du prix auquel elle vendait sa camelote ?
— Très cher.
— Qu’est-ce qu’on fait ? On l’arrête pour délit d’escroquerie ?
— Pourquoi pas ? Elle paiera une faible amende – et elle a de quoi avec son trafic – et sera surtout interdite d’« exercer ». Cela épargnera des dépenses aux crédules et mettra sans doute fin à la lutte entre Ombreux et Ombristes, qu’elle encourageait pour son propre profit.
— Je m’en charge. Je l’emmènerai de manière visible dans une voiture de gendarmerie et l’information sera publiée dans la presse locale. Cette femme est une peste et une trafiquante de faux remèdes, ça la calmera. Lui resteront les ragots à répandre dans tout Louviec, ce sera déjà bien assez comme puissance de nuisance. La récolte a été bonne sur ton dolmen ?
— Je n’en suis pas mécontent.
Johan apportait un canard à l’orange et Adamsberg laissa le temps à toute l’équipe de se restaurer et se détendre avant d’aborder le point crucial de leur stratégie.
— Revenons à Robic, dit-il en repoussant son assiette vide. Matthieu l’a déposé chez lui vers dix-neuf heures. Libre.
— Pas tant que cela, rectifia Matthieu. J’ai laissé six hommes là-bas en surveillance furtive, chargés de contrôler la sortie de sa propriété.
— Sage précaution, dit Adamsberg, mais sans doute prématurée. Néanmoins préviens tes gars qu’il y a deux sorties, et non pas une.
— Deux ? demanda Mercadet, qui avait dormi durant la perquisition.
— Deux. Le grand portail bien sûr, mais aussi à l’opposé, au fond du pré, côté nord, une petite porte bien dissimulée derrière les peupliers et un buisson de ronces. Noël, qui a les plus grandes jambes, après s’être coulé entre les troncs, a pu enjamber les ronces sans les froisser. Et ouvrir la porte avec mon passe sans laisser la moindre trace.
— De sorte, dit Veyrenc, que si Robic vérifie cette sortie, il en conclura qu’elle nous a échappé.
— Et pourquoi irait-il la vérifier ? demanda Berrond en se resservant une seconde portion.