Trиs illustre sйnateur, je suis Andrй, fils de Gioras, un ouvrier modeste et trиs pauvre, mкme si de nombreux membres de ma famille ont des attributions importantes au Temple et dans l'exercice de la
Publius se souvint alors du besoin de faire sentir l'autoritй de sa position et rйpondit avec l'orgueil propre а ses rйsolutions :
Comment oses-tu discuter mes dйcisions quand j'ai conscience d'avoir exercй la justice ? Je ne peux changer mes dйlibйrations et je suis surpris qu'un Juif mette en doute l'ordre et la parole d'un sйnateur de l'Empire en formulant des rйclamations de cette nature.
Mais, Seigneur, je suis pиre...
Si tu l'es, pourquoi as-tu fait de ton fils un vagabond et un vaurien ?
Je n'arrive pas а comprendre les raisons qui ont amenй mon pauvre Saul а se comporter de cette maniиre, mais je vous jure qu'il est le bras droit de mes travaux de chaque jour.
Je n'ai pas а apprйcier les raisons qui sont les tiennes, mais sache que j'ai donnй ma parole irrйvocablement.
Andrй de Gioras regarda Publius Lentulus de haut en bas, blessй dans sa sensibilitй de pиre et dans ses sentiments d'homme, ivre de douleur et de colиre rйprimйe. Ses yeux larmoyants trahissaient toute son angoisse, et face а ce refus formel et sans appel, mйprisant toutes les rиgles, il dit avec une orgueilleuse fermetй :
Sйnateur, je suis descendu de ma dignitй pour implorer votre compassion, et j'accepte votre refus ignominieux !...
Par duretй de cњur, vous venez de vous faire un ennemi йternel et implacable !... Avec vos pouvoirs et vos prйrogatives, vous pouvez m'йliminer а jamais en me rйduisant а la captivitй ou en me condamnant а une mort infвme, mais je prйfиre affronter votre orgueilleuse arrogance... Vous venez de planter un arbre d'йpines dont le fruit, un jour, aigrira sans remиde votre cњur dur et insensible car ma vengeance peut tarder mais tout comme votre вme inflexible et froide, elle sera aussi indйfectible et tйnйbreuse !...
Le Juif n'attendit pas la rйponse de son interlocuteur amиrement touchй par la vйhйmence de ces propos, et sortit de la piиce d'un pas ferme, la tкte haute, comme s'il avait obtenu les meilleurs rйsultats а son entrevue courte et dйcisive.
Mкlйs d'orgueil et d'anxiйtй, Publius Lentulus ressentit en cet instant les sentiments les plus divers dominer son cњur. Il aurait voulu ordonner l'emprisonnement immйdiat de cet homme qui lui avait jetй au visage les plus dures vйritйs, et il йprouvait simultanйment le dйsir de le rappeler et de lui promettre le retour de son fils bien-aimй qu'il protйgerait par son prestige d'homme d'Йtat ; mais sa voix se perdit dans sa gorge, prise d'йmotions qui volaient а nouveau sa paix et sa sйrйnitй. Une douloureuse oppression paralysa ses cordes vocales, tandis que dans son cњur angoissй rйsonnaient encore ses paroles ardentes et cruelles.
Une suite de rйflexions accablantes lui vint а l'esprit, dйnonзant ses puissants conflits intйrieurs. N'йtait-il pas pиre lui aussi et ne cherchait-il pas а garder ses enfants prиs de son cњur ? Cet homme avait toutes les raisons de penser qu'il йtait injuste et pervers.
Il se rappela le rкve inexplicable qu'il avait relatй а Flaminius qui йtait la cause indirecte de sa venue en Judйe. Il songea aux larmes de repentir qu'il avait versйes au contact du tourbillon des souvenirs pernicieux de son existence passйe, face а tant de crimes et de subterfuges.
Il quitta son cabinet avec en tкte la solution а cette question et ordonna qu'on lui amena le jeune Saul avec l'urgence que ce cas exigeait, afin de le renvoyer chez lui, modifiant ainsi les tristes impressions qu'il avait causйes au pauvre Andrй. Ses ordres furent exйcutйs sans dйlais ; nйanmoins, une dйsagrйable surprise l'attendait avec les renseignements fournis par les fonctionnaires а qui incombait l'accomplissement de cette tвche.
Le jeune Saul avait disparu, laissant croire а une йvasion dйsespйrйe et fortuite. Les informations furent transmises а l'autoritй supйrieure, sans que Publius Lentulus sache que les mauvais serviteurs de l'Йtat nйgociaient trиs souvent les jeunes prisonniers avec d'ambitieux marchands d'esclaves qui opйraient dans les centres les plus populeux de la capitale du monde.