10. — Nous passons une multitude d’anachronismes, de méprises, de transpositions, d’ignorances, et de fables, qui pullulent dans les livres des Macchabées, pour venir à la mort d’Antiochus l’Illustre, décrite au chapitre 11 du livre second. C’est un entassement de faussetés, d’absurdités et d’injures, qui font pitié. Selon l’auteur, Antiochus entre dans Persépolis pour piller la ville et le temple. On sait assez que cette capitale, nommée Persépolis par les Grecs, avait été détruite par Alexandre. Les Juifs, toujours isolés parmi les nations, toujours occupés de leurs seuls intérêts et de leur seul pays, pouvaient bien ignorer les révolutions de la Chine et des Indes; mais pouvaient-ils ne pas savoir que cette ville, appelée Persépolis par les seuls Grecs, n’existait plus depuis cent soixante ans? Son nom véritable était Sestekar. Si c’était un juif de Jérusalem, c’est-à-dire un asiatique, qui eût écrit les Macchabées, il n’eût pas donné au séjour des rois de Perse un nom qui figure uniquement dans les livres grecs. De là, on conclut que ces derniers livres de l’Ancien Testament n’ont pu être écrits que par un de ces juifs hellénistes d’Alexandrie, qui commençait à vouloir devenir orateur.
Mais voici une autre raison de douter. Au premier livre, il est dit qu’Antiochus Epiphane voulut s’emparer des boucliers d’or laissés par Alexandre-le-Grand dans la ville d’Élimaïs sur le chemin d’Ecbatane, qui est la même que Ragès, et qu’il mourut de chagrin dans cette contrée en apprenant que les Macchabées avaient résisté à ses troupes en Judée. Au second livre, il est dit, au contraire, que ce roi tomba de son char; qu’il fut tellement meurtri dans sa chute que la gangrène se mit à son corps; que ses chairs fourmillaient de vers; et qu’alors il demanda pardon au dieu des Juifs. C’est là qu’est ce verset si connu, et dont on a fait tant d’usage:
Nous ne dirons qu’un mot du troisième livre des Macchabées, et rien du quatrième, unanimement tenus pour apocryphes.
Voici une historiette du troisième; la scène est en Egypte. Le roi Ptolémée Philopator est fâché contre les Juifs, qui commerçaient en grand nombre dans ses états; il en ordonne le dénombrement, et, selon Philon, ils composaient un million de tètes. On parque ce million d’hommes dans l’hippodrome d’Alexandrie. Le roi promulgue un édit, par lequel ils seront tous livrés à ses éléphants pour être écrasés sous leurs pieds. L’heure prise pour donner ce spectacle, Dieu, qui veille sur son peuple, endort le roi profondément. Ptolémée, à son réveil remet la partie au lendemain; mais Dieu lui ôte alors la mémoire: Ptolémée ne se souvient plus de rien. Enfin, le troisième jour, Ptolémée, bien éveillé, fait préparer ses juifs et ses éléphants. La pièce allait être jouée, lorsque soudain les portes du ciel s’ouvrent: deux anges en descendent; ils dirigent les éléphants contre les soldats qui devaient les conduire; les soldats sont écrasés, les Juifs sauvés, le roi converti… On écrivait plaisamment l’histoire dans ce pays-là!»
En somme, si l’on prend dans ses grandes lignes l’histoire biblique des Macchabées, elle se résume à ceci: — Le sacrificateur Mathathias, sous le règne d’Antiochus Epiphane, donne le signal de la révolte en égorgeant un Juif qui sacrifiait aux dieux de Syrie; ses cinq fils, Jean, Simon, Juda, Eléazar et Jonathas, se signalent aussi.
La Judée se soulève; on fait arme de n’importe quoi. Juda Macchabée, le plus illustre des fils de Mathathias, se met à la tête de l’insurrection et taille en pièces les armées royales: mais il ne se contente pas d’être général; il succède comme grand-prêtre à Ménélaüs, descendant du fameux Jaddus, le flagorneur d’Alexandre. On cite ses victoires contre Apollonius dans les environs de Samarie, contre Séron à Béthorom, et contre trois autres généraux d’Antiochus: Ptolémée, Nicanor, et Gorgias.
Sous le règne d’Antiochus Eupator, fils d’Épiphane, Éléazar Macchabée a moins de chance que son frère Juda: au fort d’une bataille, ayant vu dans les rangs ennemis un éléphant couvert des insignes royaux, mons Eléazar fonce sur l’animal, en s’imaginant que le roi est au-dessus; mais l’éléphant saisit notre juif avec sa trompe et le casse en deux comme s’il s’était agi d’une simple pipe de quatre sous.