Читаем La nuit des longs couteaux полностью

Dans la petite ville, belle comme un musée, la messe a été célébrée au Dom, qui dresse ses deux tours baroques, son dôme, dans la légèreté bleutée de cette matinée de juin. Au loin, la Rhôn, le Vogelsberg sont enveloppés de brume. La messe est solennelle comme si les siècles s’étaient arrêtés au temps de la foi triomphante. Mais la foi triomphe-t-elle jamais ? Au-dessous du choeur, la chapelle Saint-Boniface renferme les reliques du saint martyrisé par les païens en 755. Boniface : l’apôtre de l’Allemagne. Les évêques communient certains s’agenouillent sur le sol dallé, comment ne penseraient-ils pas au martyr alors qu’un Ordre noir aux rites païens s’est établi en Allemagne ? On reconnaît, dans ses vêtements sacerdotaux, Mgr Faulhaber, primat de Bavière, vieil homme qui, sous l’or et la parure, ressemble déjà à l’une de ces statues de bois doré qu’on trouve dans les églises de l’Allemagne du Sud.

À côté de Mgr Faulhaber se tient un homme jeune, au visage énergique que l’or de sa dignité ne vieillit pas. Le regard est vif, animé, il tourne souvent la tête vers les fidèles, d’un mouvement brusque : c’est le nouvel évêque de Berlin, Mgr Barres. Depuis son intronisation, il y a moins de six mois, en janvier, la Gestapo l’a mis sous surveillance et Heydrich lit personnellement les rapports qui le concernent. Mgr Barres a, en effet, rassemblé des militants catholiques ; ses lettres pastorales condamnent les excès, les violences. Souvent, devant l’évêché, vient se ranger la voiture d’un haut fonctionnaire du Reich, le docteur Klausener. Il est directeur général des Travaux publics, catholique pratiquant, homme à principes et proche du vice-chancelier Papen, catholique lui aussi. Depuis des semaines, Klausener est, avec Bose, Jung et d’autres, inscrit sur les listes d’hommes à surveiller de près. Est-il aussi sur les listes établies par Heydrich ? Il voit souvent Mgr Barres, Papen aussi et la Gestapo n’aime pas les coïncidences. Elle a délégué à Fulda quelques-uns de ses agents : ils écoutent, ils notent, ils observent. Le Reichsführer Himmler lui-même, qui fut catholique, dont l’Ordre noir copie l’ordre jésuite, a donné personnellement les consignes. Apparemment pourtant rien ne se passe. Les hommes de la Gestapo traînent dans la vieille cité épiscopale. Après la messe, les évêques se sont retirés, guidés par Mgr Bertram, cardinal-primat de Silésie, qui préside l’Assemblée.

Tout est calme jusqu’à ce qu’éclate la première phrase du mandement :

« Gardez-vous des faux prophètes ! »

Puis le texte des évêques dénonce les « athées qui, la main levée, mènent consciemment la lutte contre la foi chrétienne ». À l’heure où socialistes, communistes, juifs, répondent à Dachau et dans d’autres camps à l’appel du soir, au milieu des aboiements des chiens et des S.S., cette phrase ne peut viser que les nazis. Elle ne peut être dirigée que contre les hommes de l’Ordre noir qui rétablissent pas à pas un culte païen, sonnant dans des trompes venues des lointains pays germaniques, et faisant renaître la mythologie nordique d’avant l’évangélisation.

Au n° 8 de la Prinz-Albrecht-Strasse, Himmler et Heydrich sont inquiets. Le standard du siège de la Gestapo à Berlin qui est équipé en table d’écoute ne cesse de noter des communications entre Fulda et différentes villes d’Allemagne ; puis, à Berlin même les agents de la Gestapo notent que de nombreuses personnalités catholiques se répètent le texte du mandement des évêques. L’Eglise catholique, longtemps passive, se dresserait-elle contre le régime ? Goering est averti. De longs conciliabules ont lieu. Est-ce une opération Papen-Hindenburg qui commence ? Peut-être avec l’appui de certains éléments de la Reichswehr : toujours les mêmes généraux, Schleicher, von Bredow ? Quel sera le rôle de la S.A. et de Roehm ?

La chancellerie du Reich est à son tour mise au courant. Mais cependant que Goering, Himmler, Heydrich se concertent, Hitler reste à l’écart. Dans le grand bâtiment endormi où les gardes noirs de la Leibstandarte ressemblent à des blocs de granit sculpté, recouverts d’uniformes et de métal, Hitler doit observer le mouvement des hommes et des clans. Hermann Goering, héros, officier, Junker, lié aux milieux financiers et à la Reichswehr ne pourrait-il être un rival, succéder avec l’appui de certains conservateurs à Hindenburg à la tête d’un Reich sans Hitler ?

LA DERNIÈRE RENCONTRE.

La nuit du dimanche au lundi 4 juin est longue. Quand se lève le nouveau jour Hitler ne sait toujours pas comment s’attacher définitivement ces hommes puissants de l’armée, de l’industrie, ces hommes qu’il méprise et qu’il craint. Faut-il payer leur appui en sacrifiant la Sturmabteilung, en appliquant jusqu’au bout le pacte du Deutschland, ou au contraire conserver une S.A. domestiquée mais suffisante, une S.A. épée et bouclier, prétexte, moyen de chantage ? Mais peut-on longtemps ne pas passer aux actes alors que tout s’accélère ?

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