Et tout semble se prêter à cette exaltation de l’épanouissement de la nature. Le ciel, au-dessus de l’Allemagne, en ce samedi 23 juin est d’une beauté légère, les couleurs des lacs et des prés sont douces, c’est moins l’été que l’éclat du printemps. Ley ne s’arrête pas à Berlin. Il se fait immédiatement conduire à Tempelhof où un appareil Junkers l’attend. Dans l’avion, il revoit son discours : il doit parler au début de l’après-midi à Oberhausen, dans la Ruhr. De la carlingue, étroite, où sont assis les uns derrière les autres de part et d’autre les collaborateurs du ministre, on aperçoit les hauteurs qui, au sud, marquent le début de ce coeur hercynien de l’Allemagne avec les masses sombres des forêts, les nuages bourgeonnants et blancs qui commencent à s’élever au-dessus des sommets. Au loin, vers l’avant, une couverture grise et floconneuse que crèvent des colonnes de fumées noires annonce la Ruhr, ses aciéries, le royaume de Krupp et le coeur martelant de la puissance germanique.
Précisément, ce 23 juin, le général Blomberg transmet à la chancellerie du Reich, pour le Führer, un mémorandum, préparé par le général Thomas, spécialiste des questions économiques de la Reichswehr, et qui réclame un dictateur économique pour organiser le réarmement de l’Allemagne : ce dictateur ce devrait être Schacht. Il faudrait liquider l’actuel ministre Schmitt qui veut favoriser une hausse du niveau de vie. Avec Schacht, la production passera avant la consommation et tout sera orienté vers la fabrication de ces barres d’acier qui deviennent des tubes de canon ou des affûts de pièce et qu’on forge depuis plus d’un siècle dans cette Ruhr vers laquelle se dirige l’avion de Ley.
C’est une fois de plus le miracle de l’avion utilisé systématiquement par Hitler et les nazis qui leur permet d’être ainsi dans plusieurs villes d’Allemagne dans la même journée. Le matin, enterrant Elsholtz à Potsdam, l’après-midi parlant aux ouvriers d’Oberhausen.
« Le national-socialisme, s’écrie Ley, veillera à ce que tous prennent leur part des sacrifices nécessaires et il ne tolérera pas que quelques hyènes du champ de bataille tirent profit de ces sacrifices. »
Les groupes nazis applaudissent, les ouvriers sont plus réservés. « Que personne, lance encore Ley, ne s’imagine qu’il pourra vivre comme autrefois... Celui qui espère pouvoir se réfugier sur une île des bienheureux, celui-là commet une erreur immense... »
La mise en condition continue ; pas de pitié pour l’ancien monde, pas de survie possible pour les moeurs d’autrefois, répètent les chefs nazis. On ne peut plus vivre comme avant. Gare à ceux qui s’obstinent.