À quelques kilomètres à peine d’Oberhausen où parle le ministre Ley, à Duisbourg, le grand port enfumé de la Ruhr, le ministre Joseph Goebbels s’est chargé d’animer le Gauparteitag (la journée du Parti pour le Gau d’Essen). Il arrive à 14 heures sur le terrain d’aviation pavoisé. Puis ce sont les réceptions, les visites au Hall de la foire d’exposition d’Essen où sont réunis les membres des organisations féminines du Parti. On présente au malingre Goebbels la présidente Madame ScholzKlink : les musiques jouent, les oriflammes nazies sont agitées à bout de bras par des jeunes filles. Goebbels ravi, sourit et son visage paraît encore plus grimaçant. Entre 16 heures et 17 heures au milieu des hurlements des sirènes, Goebbels parcourt les eaux noires du port de Duisbourg où les lourdes péniches chargées de charbon et de minerai de fer ne cessent d’accoster. Enfin, sur le grand stade de Duisbourg c’est la parade attendue : cent cinquante fanfares de la Jeunesse hitlérienne jouent à tour de rôle. Il fait frais : les flammes des torches s’allongent en même temps, couchées par la brise. À 20 heures 57, 1 000 garçons et filles des organisations nazies entonnent le chant des reîtres. L’Allemagne éternelle faite de sève acide et brutale, l’Allemagne des forêts sombres, bondissante, fascinante et puissante semble s’être réveillée sous ce ciel gris chargé de fumées industrielles qui rappellent la force immense des aciéries ; le chant s’élève dans ce décor de cheminées et de poutrelles, de superstructures de grues et de puits de mine. À 21 heures, Terboven, le dirigeant nazi d’Essen prend la parole : quelques mots couverts par les acclamations pour annoncer Joseph Goebbels, cette petite silhouette nerveuse et blême qui monte à la tribune dans la lumière des projecteurs. Il ne mâche pas ses mots : « Il faudra maintenir un bas niveau de salaires, dit-il, parce qu’il a fallu donner du travail à 4 millions de chômeurs. » Les haut-parleurs répercutent au loin, dans la nuit, la voix nasillarde de Joseph Goebbels. Il brosse le programme du parti, « construire un avenir heureux... Ce sera la mission de la jeunesse de le réaliser ». Les cris montent des milliers de poitrines juvéniles : la ferveur et l’enthousiasme éclatent dans cette nuit joyeuse. « Notre mouvement est devenu notre deuxième patrie, nous avons lutté pour qu’il devienne grand. Nous voulons veiller sur ce mouvement comme sur la prunelle de nos yeux », achève-t-il en martelant ces mots. Déjà il avait lancé les mots de fidélité, de constance, de simplicité dans le style de vie. Comment les initiés ne penseraient-ils pas à la Sturmabteilung ? Goebbels a parlé une vingtaine de minutes. À 21 heures 30, le défilé commence au chant du Horst Wessel Lied. Les 150 fanfares accompagnent la marche et à 22 heures 05 s’ouvre la fête du Solstice. Le nazisme tient la jeunesse dans son poing et elle s’exalte croyant avec l’ardeur de ses vingt ans retrouver une force profonde et naturelle. À 22 heures 30, Goebbels quitte le stade où la joie est générale et prend la route pour Osnabrück où il doit à nouveau parler le lendemain.