Parfait ! dйclara Poirot. Ouvrons sans plus tarder notre enquкte. Convoquons tout d'abord le conducteur du wagon-lit. Vous connaissez sans doute la moralitй de cet homme ? Peut-on se fier а ses dires ?
Oh ! mais oui ! Pierre Michel appartient au service de la Compagnie depuis plus de quinze ans. C'est un Franзais. il habite prиs de Calais. Ce n'est peut-кtre pas un phйnix d'intelligence, mais il est fonciиrement honnкte.
Bon, dit Poirot. Faites-le venir.
Bien qu'ayant recouvrй une partie de son sang-froid, Pierre Michel demeurait encore sous le coup de l'йmotion.
J'espиre que monsieur n'a aucune nйgligence а me reprocher dans mon service ? demanda-t-il en regardant tour а tour Poirot et M. Bouc. C'est horrible, ce qui vient de se passer, mais j'ose croire que ma responsabilitй n'est pas en jeu ?
Ayant calmй les craintes de l'employй, Poirot se mit а l'interroger. Il lui demanda d'abord son nom, son adresse, depuis combien de temps il travaillait а la Compagnie et depuis quand il faisait le trajet Constantinople-Calais. Poirot connaissait dйjа tous ces dйtails, mais cet interrogatoire de pure forme permit au conducteur de se mettre а l'aise.
Arrivons maintenant aux йvйnements de cette nuit. A quelle heure Mr Ratchett s'est-il couchй ?
Presque tout de suite aprиs dоner, monsieur, avant que le train quitte la gare de Belgrade. Comme la veille, il m'avait priй de prйparer son lit pendant le dоner, ce que je fis.
Quelqu'un a-t-il pйnйtrй ensuite dans son compartiment ?
Son valet de chambre, monsieur, et son secrйtaire, le jeune Amйricain.
Personne d'autre ?
Pas que je sache, monsieur.
Bien. C'est la derniиre fois que vous l'avez vu ou entendu ?
Non, monsieur. Vous oubliez qu'il a sonnй vers une heure moins vingt. peu aprиs l'arrкt du train.
Que s'est-il passй exactement ?
J'ai frappй а son porte, mais il rйpondit qu'il avait sonnй par erreur.
Il rйpondit en anglais ou en franзais ?
En franзais.
Quels termes a-t-il exactement employйs ?
« Ce n'est rien. Je me suis trompй ».
Parfait, dit Poirot. C'est bien ce que j'avais entendu. Aprиs cela, vous кtes parti ?
Oui, monsieur.
Etes-vous retournй vous asseoir sur votre siиge ?
Non, monsieur, j'ai d'abord rйpondu а un autre voyageur qui venait de sonner.
Bien, Michel. Je vais maintenant vous poser une question importante. Oщ йtiez- vous а une heure et quart ?
Moi, monsieur ? J'йtais а ma place au fond du couloir.
Vous l'affirmez ?
Mais oui. а moiins.
A moins ?
Ah ! en effet, je suis allй dans l'autre wagon, celui d'Athиnes, voir Vivet, mon collиgue. Nous avons parlй de la neige. Ce devait кtre peu aprиs une heure.. Je ne saurais prйciser.
Et quand кtes-vous revenu ?
On m'a sonnй, monsieur. Je crois vous l'avoir dйjа dit. C'йtait la dame amйricaine. Elle avait sonnй plusieurs fois.
Oui, je me rappelle. Et aprиs ?
Aprиs, monsieur ? J'ai rйpondu а votre coup de sonnette et vous ai apportй une bouteille d'eau minйrale. Puis, environ une demi-heure aprиs, j'ai fait le lit dans le compartiment du jeune Amйricain. le secrйtaire de Mr Ratchett.
Mr MacQueen se trouvait-il seul dans son compartiment quand vous y кtes entrй pour prйparer le lit ?
Le colonel anglais du numйro 15 йtait assis avec lui. Ils parlaient ensemble.
Que fit le colonel en quittant Mr MacQueen ?
Il retourna dans on propre compartiment.
Le numйro 15. c'est tout prиs de votre siиge, n'est-ce pas ?
Oui, monsieur, c'est le second compartiment а partir de cette extrйmitй du couloir.
Son lit йtait-il dйjа prйparй ?
Oui, monsieur, je l'avais fait pendant le dоner.
A quelle heure cela se passait-il ?
Je ne puis prйciser. Mais certainement pas plus tard que deux heures.
Et ensuite ?
Je demeurai assis dans mon coin jusqu'au matin.
Vous n'кtes pas retournй dans le wagon d'Athиnes ?
Non, monsieur.
Vous avez peut-кtre dormi ?
Je ne crois pas, monsieur. L'immobilitй du train m'a empкchй de somnoler comme cela arrive souvent.
N'avez-vous vu aucun voyageur aller et venir dans le couloir ?
L'employй rйflйchit un instant.
Une des dames s'est rendue а la toilette qui est а l'autre bout du couloir.
Quelle dame ?
Je ne puis le dire au juste, monsieur. C'йtait а l'extrйmitй opposйe du couloir et cette personne me tournait le dos. Elle portait une robe de chambre rouge avec des dragons.
C'est exact. Et aprиs ?
Rien d'autre ne se produisit, monsieur, jusqu'au matin.
Vous en кtes sыr ?
Ah ! pardon ! Vous-mкme, monsieur, avez ouvert votre porte et regardй au-dehors l'espace d'une seconde.
Bien, mon ami. Je me demandais si vous vous souveniez de ce menu dйtail. A propos, j'ai йtй rйveillй par ce qui m'a semblй la chute de quelque objet lourd contre ma porte. Pourriez-vous me dire d'oщ provenait ce bruit ?
L'homme le regarda fixement.
Il n'y avait rien, monsieur, absolument rien.
En ce cas, j'ai dы кtre le jouet d'un cauchemar, conclut Poirot nйgligemment.
A moins, observa M. Bouc, que ce bruit ne se soit produit dans le compartiment voisin du vфtre.
Poirot ne releva point cette suggestion. Peut-кtre prйfйrait-il s'en abstenir devant le conducteur du wagon-lit.