Oui, mais je sais suffisamment а quoi m'en tenir sur son compte.
Poirot demanda d'une voix douce :
Alors, mademoiselle, vous persistez а refuser l'explication de cette phrase : « Quand toute ceci sera terminй » ?
Elle rйpondit d'un ton glacial :
Je n'ai rien а dire.
Qu'а cela ne tienne. Je le dйcouvrirai bien seul.
Il salua et quitta le compartiment, en refermant la porte derriиre lui.
Etait-ce bien prudent, mon cher ami ? lui demanda M. Bouc. Vous avez mis cette pйronnelle sur ses gardes et, par lа mкme, le colonel.
Mon cher, pour attraper un lapin vous faites entrer un furet dans le terrier ; si le lapin s'y trouve, il s'enfuit. Voilа ma tactique.
Ils pйnйtrиrent ensuite dans le compartiment d'Hildegarde Schmidt.
La femme de chambre les reзut avec dйfйrence, mais sans la moindre йmotion.
Poirot jeta un rapide coup d'њil au contenu de la mallette ouverte sur la banquette, puis il fit signe au contrфleur de descendre la grande valise du porte-bagages.
Vos clefs, mademoiselle, s'il vous plaоt ?
Elle n'est pas fermйe а clef, monsieur.
Poirot libйra les moraillons et souleva le couvercle.
An ! vous souvenez-vous de ce que j'avais prйdit, mon ami ? dit-il а M. Bouc. Regardez plutфt.
Sur le dessus de la valise s'йtalait, pliй en hвte, un uniforme d'employй des wagons-lits.
Le visage bouleversй, elle regardait les visiteurs.
Poirot lui prit doucement le bras et la rassura.
Nous vous croyons sur parole. Ne vous inquiйtez pas. Aussi sыr que vous кtes un excellent cordon-bleu, ce n'est pas vous qui avez rangй cet uniforme dans cette valise. Vous faites trиs bien la cuisine, n'est-ce aps ?
Prise au dйpourvu, la femme rйpondit :
Oui, mes patronnes m'ont toujours complimentйe. Je.
Mais, l'air effarй, elle s'arrкta soudain, la bouche ouverte.
C'est trиs bien, dit Poirot. Calmez-vous. Je vais vous expliquer moi-mкme ce qui s'est passй. Cet individu, le mкme que vous avez croisй, vкtu de l'uniforme des wagons- lits, sortait du compartiment de la victime et comptait n'кtre remarquй de personne. Qu'avait-il а faire ? Se dйbarrasser de son uniforme qui dиs lors йtait pour lui un danger.
Poirot jeta un coup d'њil au docteur Constantine et а M. Bouc qui l'йcoutaient attentivement.
Mais il neige. Et la neige dйrange tous ses plans. Oщ cacher ses vкtements ? en passant devant une porte ouverte, il voit qu'il n'y a personne а l'intйrieur du compartiment. C'est sans doute celui de la femme qu'il a rencontrйe dans le couloir. Il s'y glisse, enlиve son uniforme sous lequel il йtait habillй et le fourre en hвte dans la valise placйe sur le porte-bagages.
Et ensuite ? demanda M. Bouc.
A nous de le deviner, dit Poirot.
Il dйplia la tunique : il y manquait un bouton, le troisiиme. Poirot plongea sa main dans la poche et en retira un de ces passe-partout employйs par les conducteurs pour ouvrir les compartiments.
Voici comme l'assassin a pu ouvrir les portes fermйes, observa M. Bouc. Les questions que vous avez posйes а Mrs Hubbard йtaient inutiles. Cette clef en main, notre homme a pu s'introduire sans difficultй chez Mr Ratchett en supposant que la chaоne de sыretй n'йtait pas accrochйe. Aprиs tout, s'il йtait assez malin pour se procurer un uniforme des wagons-lits, pourquoi pas йgalement un passe-partout ?
En effet, pourquoi pas ?
Nous aurions dы nous en douter. Rafraоchissez-vous un peu la mйmoire. Michel ne nous a-t-il pas dit que lorsqu'il vint rйpondre au coup de sonnette de Mrs Hubbard la porte donnant sur le couloir йtait fermйe au verrou ?
Oui, monsieur, confirma le conducteur ; voilа pourquoi je croyais que la dame avait
rкvй.
Le mystиre commence а s'йclaircir, continua M. Bouc. Le meurtrier avait certainement l'intention de refermer la porte de communication, mais il a pu l'entendre remuer dans le lit et il a pris peur.
Il ne nous reste plus qu'а trouver le peignoir rouge, observa Poirot.
Oui, et les deux derniers compartiments sont occupйs par des hommes.
Nous les fouillerons tout de mкme.
D'autant plus que je me souviens nettement de ce que vous avez dit.
Hector MacQueen se prкta volontiers а la visite de ses bagages.
Je ne demande pas mieux, dit-il avec un amer sourire. J'en ai assez d'кtre tenu pour le plus suspect parmi les voyageurs ! Si le hasard vous fait dйcouvrir un testament par lequel le vieux me lиgue tout son argent, mon affaire est claire, hein ?
M. Bouc le considйra d'un њil soupзonneux.
Je plaisante, poursuivit MacQueen. Il ne m'a sыrement pas laissй un radis. Ma connaissance de trois langues йtrangиres, le franзais, l'allemand et l'italien, lui йtait prйcieuse, voilа tout ! Lorsqu'on ne sait parler que le bon amйricain, on est bien embarrassй hors de son pays.
Il s'exprimait plus nerveusement que de coutume. Malgrй ses efforts pour paraоtre naturel, on sentait que cette inquisition lui йtait odieuse.