Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Nakhshidil soupira de nouveau puis, brusquement, se mit à rire.

— Vous juger ? Ma pauvre enfant ! Dites plutôt que je vous envie !

— M'envier ?

— Mais oui ! Vous avez la beauté, la noblesse, l'éclat du nom, l'intelligence et le courage, vous avez ce bien précieux et fragile entre tous qui est la jeunesse, enfin, vous avez l'amour. Je sais : vous allez me dire que cet amour ne vous donne pas beaucoup de joie et même que vous vous en passeriez aisément à l'heure présente, mais il n'empêche qu'il existe, qu'il vous pousse en avant, qu'il emplit votre vie et bouillonne dans vos veines avec votre jeunesse. Vous êtes libre aussi et vous avez le droit de disposer de vous-même, de vous perdre même, si cela vous chante, à la poursuite de cet amour... et cela à travers l'immensité du monde largement ouverte devant vous. Ah oui, je vous envie. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je vous envie.

— Madame ! fit Marianne alarmée par la douleur et les regrets qui vibraient dans cette voix douce et feutrée, habituée au chuchotement.

Mais Nakhshidil ne l'écoutait pas. Les confidences de sa visiteuse avaient taillé une brèche dans la muraille où son âme était prisonnière et les désirs douloureux, les regrets s'y engouffraient comme la mer sauvage par la digue rompue.

— Savez-vous ce que c'est, reprit-elle plus bas encore, savez-vous ce que c'est qu'avoir vingt ans et apprendre l'amour dans les bras d'un vieillard ? Que rêver d'espaces, de courses à travers l'océan, de chevauchées au bout de l'horizon dans le vent du matin, de nuits passées sous un ciel immense et libre à écouter chanter les Noirs, à respirer l'air parfumé des îles... et se retrouver en cage, livrée aux conseils équivoques des eunuques, à la haine et à la stupidité d'une armée de femmes aux âmes d'esclaves ? Savez-vous ce que c'est que délirer interminablement les caresses d'un homme jeune, les bras et l'amour d'un homme jeune, sain, ardent, sur les coussins de soie d'une chambre solitaire dont on vous tire parfois pour vous livrer à un être trop vieux pour que la parodie ne soit pas douloureuse... Et cela durant des années, de mortelles, d'affreuses années ?... Celles qui auraient pu être les plus riches et les plus chaudes ?

— Voulez-vous dire... que vous n'avez jamais connu l'amour ? murmura Marianne à la fois incrédule et désolée.

La tête blonde eut un mouvement doux qui arracha cependant un éclair à l'énorme diamant rose qui l'ornait.

— J'ai connu l'amour de Selim. Il était le fils de mon époux, le vieil Abdul Hamid. Il était jeune, en effet... et il m'aimait passionnément, au point d'avoir choisi de mourir pour nous défendre, mon fils et moi, quand l'usurpateur Mustapha et les janissaires ont envahi le palais. Son amour était chaleureux et j'avais pour lui une profonde tendresse. Mais l'ardeur de la passion, celle que j'aurais pu connaître avec... un autre dont je rêvais à quinze ans, cette fièvre d'amour, ce besoin de donner et de prendre, non... je ne les ai jamais éprouvés. Alors, petite fille, oubliez vos épreuves, oubliez tout ce que vous avez subi puisqu'il vous reste le droit et la possibilité de lutter encore pour conquérir le bonheur ! Je vous aiderai.

— Vous êtes bonne, Madame, mais je n'ai pas le droit de songer seulement à l'homme que j'aime. Votre Majesté oublie que je porte un enfant et que cet enfant dresse, entre lui et moi, une infranchissable barrière, en admettant que je puisse jamais le retrouver.

— C'est vrai ! J'oubliais cette affreuse aventure et ses conséquences. A cela aussi il faut porter remède. Vous ne souhaitez pas garder cet enfant, n'est-ce pas ? Si je vous ai bien comprise...

— Il me fait horreur, Madame, comme son père me faisait horreur. Il est en moi comme une chose monstrueuse et répugnante qui se nourrit de ma chair et de mon sang.

— Je comprends. Mais vous en êtes à un stade où l'avortement devient dangereux. Le mieux serait encore de vous installer à l'écart, dans l'une des maisons qui m'appartiennent. Vous pourriez y attendre la naissance et, ensuite, je me chargerais de cet enfant dont, je vous le promets, vous n'entendriez plus jamais parler. Je le ferais élever chez l'un de mes serviteurs.

Mais Marianne hocha la tête. Non, elle ne voulait pas languir pendant des mois encore dans l'attente d'un événement qui lui faisait peur et la dégoûtait tout à la fois. Les dangers dont parlait la Sultane, et qu'elle n'ignorait pas, l'effrayaient beaucoup moins que cette attente de cinq mois où elle devrait demeurer enfermée, sans aucune possibilité de rejoindre Jason...

— Dès demain, je donnerai des ordres pour que l'on recherche votre corsaire américain, appuya Nakhshidil qui lisait maintenant à livre ouvert dans l'esprit de sa jeune cousine. De toute façon, il faudra du temps, sans doute, pour savoir ce qu'il est devenu... Vous tenez vraiment à risquer votre vie ?

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