Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Brusquement, l'intimité douillette de ce salon bleu disparut au seul prononcé du nom redoutable, à la manière d'un parfum chassé par un courant d'air. C'était comme si le César corse était entré brusquement, à sa manière éruptive habituelle, tout botté et l'œil chargé d'éclairs, exerçant impérieusement la puissance de sa personnalité exceptionnelle. Marianne eut l'impression qu'il était là, qu'il la regardait, qu'il attendait...

Lentement, elle tira d'une poche intérieure ménagée dans le tissu de sa longue jupe, la lettre de Sébastiani et l'offrit en inclinant son buste élégant. Nakhshidil l'enveloppa d'un regard interrogateur.

— Cette lettre est-elle de l'Empereur ?

— Non, Madame. Elle est d'un ancien ami de Votre Majesté, le général Horace Sébastiani qui se rappelle à son souvenir. L'Angleterre a eu grand tort de s'émouvoir de mon voyage, car je ne suis chargée d'aucune mission officielle.

— Mais, à défaut de la parole, vous n'en portez pas moins la pensée de Napoléon, n'est-ce pas ?

Marianne se contenta de s'incliner sans répondre puis, tandis que la Sultane prenait rapidement connaissance de la lettre, elle acheva posément sa tasse de café qui refroidissait, se forçant, du même coup, à absorber le dernier morceau de baklava pour ne pas offenser son hôtesse qui lui avait recommandé cette pâtisserie. Ce qui n'alla pas sans quelque peine.

— Je vois que l'on vous apprécie fort, en haut lieu, ma chère. Sébastiani me dit que vous êtes une amie particulière de l'Empereur et qu'en même temps vous jouissez de l'affection réelle de l'Impératrice répudiée, cette malheureuse Joséphine qui, pour moi, s'appellera toujours Rose ! Eh bien, dites-moi donc ce que veut de nous l'empereur des Français.

Il y eut un bref silence que Marianne employa à choisir les mots qu'elle allait prononcer. Elle ne se sentait pas très bien et ne s'en appliqua que plus soigneusement.

— Madame, commença-t-elle, je supplie Votre Majesté d'écouter avec attention les paroles que je vais avoir l'honneur de prononcer, car elles sont d'une extrême gravité et impliquent la révélation des projets les plus chers et les plus secrets de l'Empereur.

— Voyons cela !

Lentement, calmement, en s'efforçant d'être aussi claire que possible, Marianne fit part à sa compagne de la prochaine invasion de la Russie par la Grande Armée et du désir qu'avait Napoléon de battre Alexandre, auquel il reprochait une profonde duplicité, sur son propre terrain. Elle dit combien il serait utile, pour l'envahisseur, que les opérations actuellement en cours sur le Danube se prolongeassent au moins jusqu'à l'été suivant, période choisie pour l'entrée en Russie des Français, afin de retenir loin de la Vistule et des régions avoisinant Moscou les régiments cosaques et les troupes du général comte Kamenski. Elle laissa aussi entendre que cette aide non déclarée serait vivement appréciée par Napoléon qui, une fois les Russes battus, ne ferait aucune difficulté pour accorder à la Sublime Porte tous les territoires qu'elle était en train de perdre à cette heure, plus quelques autres...

— Il suffit seulement, conclut-elle, que les troupes de Votre Majesté tiennent jusqu'en juillet ou en août prochain.

— Cela représente près d'une année ! s'écria la Sultane. C'est beaucoup pour une armée exténuée, dont les effectifs fondent comme beurre au soleil. Et je ne sais...

Elle s'interrompit, surprise par le changement qui se produisait sur le visage de son interlocutrice qui était en train de devenir aussi verte que sa robe.

— Vous n'êtes pas bien, princesse ? demanda-t-elle. Je vous trouve bien pâle tout à coup...

Marianne osait à peine bouger. Une horrible nausée montait de son estomac surchargé par les sucreries, excellentes sans doute et d'une grande finesse, mais qui rejoignaient tragiquement le copieux dîner qu'elle avait absorbé à l'ambassade, lui rappelant avec quelque brutalité qu'elle était enceinte de près de quatre mois. Et la pauvre ambassadrice occasionnelle souhaita désespérément disparaître sous les coussins du trône.

Devant son silence, la sultane, qui suivait avec étonnement la disparition de ses couleurs, insista :

— Cela ne va pas ?... Je vous en prie, ne vous croyez pas obligée de dissimuler si vous vous sentez mal...

Marianne lui offrit un regard de noyée et un sourire tremblant.

— C'est... c'est vrai... Votre Majesté ! Je... ne me sens pas bien du tout... Ooooooh !...

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