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Combien d’obstacles avait-il surmontés depuis l’enfance avant d’en arriver à ce tout début de roman ? Chez les Manzoni, il n’avait jamais vu un seul livre, on ne lisait que des quotidiens, surtout pour avoir des nouvelles de la famille quand un de ses membres se faisait arrêter ou passait en jugement. Combien de fois avait-il vu son père lever le nez du journal et dire : « Je comprends mieux pourquoi le cousin Vinnie ne répond plus au téléphone, il vient de prendre deux ans ferme à Joliet. » Le petit Gianni avait dû attendre le cours élémentaire avant d’approcher un vrai livre, et à peine avait-il eu le temps d’apprendre l’alphabet qu’il retournait dans la rue pour y former sa première bande. Son dossier scolaire fut remis à la préfecture de Newark et, dès lors, l’école et toutes les belles choses qu’on y enseignait ne furent que de l’histoire ancienne.

Les années suivantes, au lieu de se contenter d’ignorer les livres en général, il claironnait à qui voulait l’entendre sa profonde aversion pour la littérature en particulier. La première fois qu’il maudit un bouquin fut ce jour où Don Polsinelli lui demanda de « prendre soin » d’un petit entrepreneur de travaux publics d’origine sicilienne qui gardait ses distances avec tout type d’organisation criminelle. Il crachait par terre chaque fois qu’il entendait un nom de mafieux et rejetait les petits arrangements des émissaires envoyés par le capo de la famille locale. Après tout, on ne lui demandait pas grand-chose, sinon d’accepter certains chantiers et pas d’autres, et, en contrepartie, il était assuré d’avoir toujours de gros clients, et ses chantiers protégés. Il refusait pourtant la protection de ses coreligionnaires, il les insultait publiquement et alla jusqu’à porter plainte pour intimidation, mais ça n’empêcha pas Gianni de lui casser l’épaule comme on tord une aile de poulet. L’homme se radicalisa dans son attitude, porta à nouveau plainte pour coups et blessures, et donna une interview dans la presse locale : il ne fléchirait jamais devant ces brutes, et attendait que son pays, les États-Unis d’Amérique, fasse triompher la justice. Une semaine plus tard, Gianni reçut l’ordre d’exécuter le petit entrepreneur courageux afin de faire un exemple. Il utilisa la méthode classique, celle qui rappelait les riches heures du syndicat du crime : deux hommes dans une voiture, un chauffeur et un exécuteur qui tire à bout portant. Une manière de signer le meurtre en toutes lettres : LCN. Jimmy Lombardo et Giovanni Manzoni attendirent l’homme à la sortie d’un bar où, comme chaque vendredi soir, il prenait une bière avec ses ouvriers avant de rentrer chez lui. Au volant d’une vieille Ford volée deux heures plus tôt, Jimmy surgit d’une impasse au moment précis où le type traversait la rue. Gianni, parfaitement synchrone, lui logea trois balles dans la région du cœur, et la Mustang traça dans Newark en cette fin d’automne.

La mauvaise nouvelle tomba le lendemain : le type avait survécu.

Gianni en aurait pleuré en lisant l’article à la une du Daily Newark. Photo du miraculé sur son lit d’hôpital, déjà réveillé et presque souriant. Pour Gianni, c’était impossible, il se souvenait très bien des impacts de ses trois balles dans la région du cœur : on ne survivait pas à un tir aussi précis. Dans l’édition du soir, ils eurent enfin une explication à ce mystère. Les trois tirs étaient effectivement groupés, le premier lui avait traversé le pectoral gauche au niveau de l’aisselle, et les deux autres s’étaient fichés dans un ouvrage relié cuir, calé dans une poche de son bleu de travail, et suffisamment épais pour freiner deux balles de calibre.6,35 tirées à cinq mètres.

Giovanni dut reprendre la phrase plusieurs fois pour être sûr d’avoir bien lu. Un ouvrage relié cuir.

Un livre ?

C’était bien de ça qu’il s’agissait, un livre ? Un putain de bouquin ? Le genre de truc qui prend la poussière dans les rayonnages d’une bibliothèque, ou sur une table basse, ou dans une librairie qui sent le moisi ? Un truc qu’on s’attend à trouver dans le sac d’un étudiant mais pas dans le bleu de travail dégueulasse d’un putain d’ouvrier du bâtiment qui rentre chez lui après s’être arrêté au bistrot !

Contre toute attente, c’était la pure vérité. L’entrepreneur n’avait pas lu grand-chose dans sa vie, excepté Anniù suli non tramonta mai, de Aguile Lungharelli, le seul écrivain né dans le même petit port que lui, à Ficarazzi, où « le soleil ne se couche jamais ». Ce bouquin lui rappelait ses origines mieux qu’un documentaire, il mettait en scène de façon à peine romancée des personnages du cru, et décrivait avec amour la campagne pelée et les monts rocailleux face à la mer. Le patron avait prêté le précieux ouvrage à un de ses ouvriers, issu du même village, qui le lui avait rendu ce fameux jour où Gianni l’attendait au coin de la rue, calibre en main.

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