Dès le début des négociations, six agents de la
— Vous lui donnez ce qu’il demande, avait dit Ryckman, et s’il veut prendre ses médicaments avec du thé earl grey, allez lui chercher du thé earl grey, vous m’avez compris ?
Aucun des deux flics n’aurait osé prendre le risque de faire capoter une opération du FBI, mais ils durent faire appel à leur sens de la retenue pour jouer un petit sketch devant les pharmaciens ébahis.
Menottes aux poignets, Delroy comprit tout de suite qu’on venait de le balancer et demanda qui à l’agent Furlong, occupé à lui lire ses droits.
— C’est qui, ce fils de pute ? C’est Johnny-John ? C’est lui, c’est Johnny-John, hein, c’est ce salopard ? Ou bien c’est l’autre espèce d’ordure de Bellini… Mais oui, bien sûr, c’est ce sac à merde !
Paul Damiano, persuadé d’être tombé dans un traquenard, se mit en tête de justifier son surnom de « Demon » et, dans un accès de rage sans précédent, fracassa tout ce qui lui tombait sous la main sur les agents de la brigade d’intervention. Trois hommes parvinrent à l’immobiliser, mais ne surent faire taire ses hurlements d’animal écorché qui refusait de se soumettre. À l’inverse, le chimiste avait gardé les bras en l’air pendant toute l’opération et n’avait opposé aucune résistance ; il demanda juste à l’agent Ryckman de faire attention en lui passant les menottes parce qu’il se remettait à peine d’une fracture de la clavicule qui rendait difficiles certaines torsions du bras.
— Alors, c’est qui, la balance ? insistait Delroy. C’est Salma ? Cette pute de Salma qui veut me faire payer ? Elle veut me voir au trou ?
— Salma, j’en sais rien, mais nous si, lâcha Ryckman, soulagé de ne plus avoir à pister cette ordure de Delroy Perez, à écouter ses conversations téléphoniques, fouiller son appartement pendant son absence et, surtout, l’attendre des heures à la sortie des boîtes de jazz.
Delroy savait qu’il en prenait pour très longtemps mais cette idée n’arrivait pas à rivaliser avec son besoin de savoir qui l’avait donné. Il cita encore quelques noms, mais pas celui de Gianni Manzoni, qui avait réussi à disparaître depuis douze ans, et à sortir du souvenir commun de la grande famille de LCN et affiliés.
Quelques heures plus tard, à soixante-quinze kilomètres de là, Melanie Fitzpatrick sirotait un grand verre de citronnade tout en donnant des directives à sa domestique, dans la cuisine de sa superbe villa située sur Centennial Avenue, Trenton, New Jersey. La sonnette de la porte d’entrée se fit entendre.
— Allez ouvrir, Chiqui, c’est sans doute le livreur de chez Tyler.
Melanie allait recevoir à dîner quatre convives de marque, dont l’associé de son mari à la banque Beckaert, qui raffolait du poulet aux poivrons de Chiqui et de ses quesadillas. Pour le dessert, Melanie avait prévu un sorbet au poivre et melon de chez Tyler, le meilleur glacier de la ville. Mais Chiqui revint les mains vides vers sa patronne.
— Ce sont deux messieurs de la police, madame…
— De la police ?
— FBI.
Melanie ne put s’empêcher de remarquer le regard inquiet de sa cuisinière dont les mains s’étaient mises à trembler.
— Ne craignez rien, Chiqui, tous vos papiers sont en règle.
— Je sais, madame, mais quand un de ces hommes me regarde dans les yeux, je me sens toujours clandestine.
À l’étage, Ronan Fitzpatrick choisissait sa chemise pour le dîner tout en pianotant sur son ordinateur portable posé au coin du lit. Il envoyait les derniers e-mails de la journée, l’un à un partenaire financier au Canada, un autre à sa sœur avec, en pièce jointe, la photo des clubs de golf qu’ils allaient offrir à leur père pour son anniversaire, et le troisième à Amy. La belle Amy, chasseuse de têtes et perle rare elle-même, avec qui il avait pris un verre, la veille, les yeux dans les yeux. Ronan intitula son courrier « Dry Martini » et le commença par
— Chéri !
Ronan descendit l’escalier et ralentit le pas en voyant les deux hommes sur le seuil.
— Ces messieurs sont du FBI, on peut savoir ce qui se passe ? demanda Melanie.