Читаем Malavita encore полностью

Warren avait patienté six long mois avant d’attirer l’attention de Lena. Six mois à guetter des signes, à imaginer des stratagèmes, six mois consacrés à son activité préférée : chercher le profil de Lena, le droit quand elle s’installait près de la fenêtre, le gauche quand elle restait vissée au radiateur. Pour les matières principales, elle s’asseyait près de Jessica Courtiol, son clone, même pull torsadé, mêmes godillots noirs, même moue affectée face au moindre effort. Mais Lena avait pris espagnol en seconde langue, Jessica allemand, et les deux inséparables échangeaient systématiquement quatre bises chaque fois qu’elles entraient en classe de langue — des adieux déchirants. Lena rejoignait alors Dorothée Courbières, un peu trop girly à son goût mais suffisamment douée en langues pour traduire les trucs compliqués, et juste assez cool pour prêter les cours qu’on avait séchés. Et le hasard s’en était mêlé : Dorothée malade ou Lena séparée de Dorothée parce que copiage, Warren perdu au milieu des tables, et voilà, un miracle qui se jouait en une fraction de seconde : Lena et Warren côte à côte. Les rares fois où cela s’était produit, Lena avait à peine jeté un regard à son voisin et avait plongé le nez dans son classeur pour jouer la montre. Warren, lui, respirait par le ventre pour contrôler ses battements de cœur, le visage en feu, angoissé à l’idée de rougir, mais à ça, il ne pouvait rien, sinon poser la joue sur sa paume et prendre un air dégagé. Il n’avait pas besoin de tant d’efforts, Lena l’ignorait sans le vouloir, le garçon à ses côtés n’existait pas, comme une transparence posée là, qui occupait l’hémisphère gauche de la table. Warren comprenait enfin pourquoi le mot « sexe » venait de « section » : la séparation. L’heure se partageait entre l’envie de fuir et celle de lui chuchoter quelque chose de drôle, de faire un geste frondeur qui l’impressionnerait. Au lieu de ça, il se laissait aller à la gamberge habituelle des adolescents sur l’infranchissable fossé entre garçons et filles. Elle me calcule même pas cette conne. Se sentir nié à ce point ne lui était jamais arrivé, et par le seul être au monde dont il avait envie d’attirer l’attention. Il devait y avoir quelque chose de logique là-dedans, mais quoi ? Parfois leurs coudes se frôlaient au moment d’ouvrir un manuel, Warren sursautait comme électrocuté, elle continuait son geste sans rien remarquer, au mieux elle lui glissait un C’est quelle page ? Il répondait J’sais pas, pris de court, et elle demandait à un autre. Que fallait-il inventer pour exister aux yeux de Lena Delarue ? Un 19 en dissertation ? Un scooter ? Des épaules de nageur ? Comment faire pour qu’elle le considère enfin comme une entité vivante ?

Pour l’épater, il avait pourtant l’embarras du choix ! Pendant cette heure de cours, il aurait pu se pencher à son oreille et dire : Tu sais, j’ai été élevé par des tueurs, j’ai su faire démarrer une voiture volée avant même de savoir parler, je sais remonter un P.38 les yeux bandés et, en cachette de ma mère, mon père m’a fêté mes douze ans dans une boîte de strip-tease. Toutes choses vraies mais dont il n’avait aucun droit de parler, et quand bien même, ça ne lui traversait pas l’esprit, parce que auprès d’elle il redevenait un garçon comme les autres qui, pour impressionner une fille, rêvait de courir plus vite et de lancer plus loin. Mais la sonnerie retentissait déjà et Lena se précipitait dans le couloir pour raconter à Jessica le néant de l’heure écoulée. Warren maudissait alors la terre entière, honteux d’avoir raté pareille occasion. Dans le hall, il croisait tant de jeunes gens qui se pavanaient, une fille à leur bras. Ces gars-là avaient bien plus de courage que lui, tout Manzoni qu’il était. Dans d’autres établissements, il avait été un petit caïd à qui l’on prêtait allégeance, c’était lui qui impressionnait les filles et non l’inverse. À peine un an plus tôt, dans un précédent lycée, une grande de terminale avait tenu à être sa première, comme elle disait, Je serai ta première femme, tu ne m’oublieras jamais, toute ta vie tu te souviendras de Béatrice Vallée.

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