Depuis l’assassinat de Gaël Leuven,
Pour le moment, et afin qu’on la laisse en paix, nul d’entre eux n’avait su l’enlèvement de la petite Rose, mais les flics avaient accepté de les informer de l’arrestation des six derniers hommes de la bande, dont une partie des noms avaient été révélés. Mais parmi ces hommes, se plaignait la presse – tout en saluant ce « remarquable coup de filet » –, aucun élément n’avait encore permis d’impliquer l’un d’entre eux dans les meurtres de Louviec. Les soupçons se portaient sur Hervé Pouliquen, puisqu’auteur d’un meurtre semblable sur la personne du docteur, sans qu’on puisse établir le moindre rapport avec les quatre autres assassinats.
Traversant la haie de journalistes installés devant le commissariat de Rennes, Matthieu et Adamsberg décidèrent de laisser aux adjoints du commissaire le soin de se charger du Poète et du Muet et d’interroger ensemble Robic et Le Guillou, espérant attiser le conflit qui était né entre les deux hommes.
Face aux deux chefs de bande, ils se heurtèrent à la dureté des anciens caïds qui terrorisaient déjà le lycée de Rennes, mais cette fois pour des raisons différentes, le premier se sachant lavé du rapt de la fillette et se sentant à l’abri de poursuites trop lourdes pour ses autres délits, le second, rageur, sachant qu’il n’échapperait pas à la détention à perpétuité, sauf s’il niait toute participation à un meurtre.
Les deux anciens amis indissociables s’étaient mués en ennemis farouches. Robic, comme le ministère lui en donnait le droit, croyait-il, se désolidarisa spontanément de toute implication dans l’enlèvement et reconnut, de même que Le Guillou, les vingt-deux forfaits énumérés par le Ventru et le Lanceur. Auxquels manquaient tous ceux exécutés sur la zone de Los Angeles sur lesquels ils demeuraient farouchement muets. Tout en jurant n’avoir jamais commis d’homicide.
— C’est faux ! cria Le Guillou. C’est lui et lui seul qui, quelques jours après son arrivée à Louviec, a tué le Bourlingueur !
Robic secoua la tête, indifférent, niant l’évidence et rejetant l’accusation d’un revers de main.
— À supposer que cela soit vrai, quels étaient alors les tueurs attitrés de l’équipe ?
— Hervé Pouliquen et le Prestidigitateur, débita Le Guillou. Et c’est Robic qui les dirigeait comme des marionnettes et distribuait les rôles.
— Tu oublies le Tombeur, dit Adamsberg. C’est-à-dire toi-même, Le Guillou. Non, n’ajoute rien, tu te défendras plus tard. Et lequel a assassiné Donald Jack Jameson ?
— Le Bourlingueur, mais c’est Robic qui a manigancé toute l’affaire, Robic qui a rédigé le testament.
— Et lequel de la troupe a tenté de tuer la petite Rose, en lui faisant avaler deux cachets de barbituriques avec son dîner ? Car sans notre intervention, selon les médecins, la dose était si forte qu’elle en serait morte dans la nuit.
— Quoi ? hurla Le Guillou qui s’était levé, menottes aux mains, se tournant vers son ancien chef. Quoi ? Tu as osé faire cela ?
— Ce n’était que pour l’aider à dormir.
— Tu te fous de ma gueule ? T’as entendu ce qu’ont dit les médecins ? Tu avais projeté de l’assassiner, à l’insu de nous tous ! Parce qu’elle t’avait vu ! Et tu nous as fait gober que tu la libérerais samedi ! Espèce d’ordure ! Toucher aux gosses ! C’est pour cela que tu as voulu lui porter son dîner toi-même !
— Je n’ai pas à répondre dans cette affaire, que le ministère a effacée de mon dossier. À juste titre.
— En effet, reprit Adamsberg. Et nous en reparlerons. Quant aux quatre hommes qui étaient avec vous, étaient-ils tous au courant du kidnapping ? Le Ventru et le Lanceur, cela va de soi. Mais le Poète et le Muet ? Je vous demande une minute.
Adamsberg envoya les photos du Poète et du Muet à Maël, lui demandant s’il reconnaissait l’un ou l’autre des hommes qu’il avait surpris chez Le Guillou.