Les premières mesures du dictateur furent grandes, sages et salutaires. Chacun reconnaissait la nécessité d’un gouvernement fort: on eut un gouvernement fort. Tout le monde se récriait contre la corruption et le manque d’équité des derniers gouvernements: le premier consul empêcha les voleries et prêta la force de son bras à l’administration de la justice. Tout le monde déplorait l’existence des partis qui divisaient et affaiblissaient la France: Napoléon appela à la tête des affaires les hommes à talents de tous les partis. Tout le monde craignait une réaction: Napoléon arrêta d’une main de fer toute tentative de réaction. Son gouvernement protégea également tous ceux qui obéirent aux lois, et punit impitoyablement tous ceux qui voulurent les enfreindre. La persécution avait ranimé les dernières étincelles du catholicisme: Napoléon prit le culte sous sa protection et rendit les prêtres à leurs autels. Les départements de l’Ouest étaient désolés par la guerre civile que la loi des otages avait fait renaître: Napoléon abolit la loi des otages, ferma la liste des émigrés, et, par un mélange judicieux de douceur et de sévérité, rendit à l’Ouest une tranquillité parfaite. Toute la France se réunissait pour souhaiter la paix: Napoléon offrit la paix à ses ennemis. Après que son offre eut été dédaigneusement rejetée par l’Angleterre et par l’Autriche, il soumit cette puissance par l’admirable campagne de Marengo, et ensuite lui pardonna avec une générosité folle. Le cabinet anglais, cette oligarchie vénéneuse, qui emploie au malheur du monde et à river les fers des esclaves les forces et les lumières qu’elle tient de la liberté[47]
; le cabinet anglais, le plus formidable et le plus éclairé des ennemis du premier consul, abandonné par tous ses alliés, fut, à la fin, forcé à faire la paix et à reconnaître la République.Chapitre XXII[48]
Le Concordat. Le Code
Napoléon n’avait déjà plus de rivaux parmi les grands hommes des temps modernes; il était arrivé au faîte de la gloire, et s’il eût voulu donner la liberté à sa patrie, il n’aurait plus trouvé d’obstacles.
On le louait surtout d’avoir rendu la paix à l’Église par son Concordat. Ce fut une grande faute et qui reculera d’un siècle l’affranchissement de la France; il aurait dû se contenter de faire cesser toute persécution[49]
. Les particuliers doivent payer leur prêtre, comme leur boulanger.Il maintint toujours la plus parfaite tolérance envers les Français protestants; de son temps, l’homme qui eût parlé de la violation possible de ce premier droit des hommes, eût passé pour fou. Mettant le doigt sur la plaie qui empêche le catholicisme de se relever, il avait demandé au pape le mariage des prêtres; mais il trouva peu de lumières dans la cour de Rome. Comme il le dit à Fox, s’il avait insisté sur cet objet,
Il avait introduit plus d’équité et plus de rapidité dans l’administration de la justice; il était occupé de son plus noble ouvrage, le Code Napoléon. Ainsi, exemple unique dans l’histoire, la France doit à son plus grand capitaine d’avoir remédié à la confusion et aux contradictions du dédale de lois qui la régissait. Enfin, à l’aspect de ces gendarmes qu’il choisit parmi ses meilleurs soldats, le crime disparut.
Chapitre XXIII
Constitution de l’An VIII. Politique extérieure
Mais, en passant de son administration à ses institutions, le tableau change de couleurs. Là, tout est lumière, tout est bonheur, tout est franchise, ici tout est incertitude, tout est mesquin, tout est hypocrisie.