Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

C'était vrai. Dans l'ombre grise qui, d'instant en instant, se faisait plus fluide et plus claire, le brick virait gracieusement, semblable au fantôme d'un oiseau géant pour prendre son vent vers la haute mer. Cependant, le coup d'audace avait dû être découvert, car Jolival entendit tonner un canon, tandis qu'un court panache de fumée jaillissait du fortin auquel il donnait l'air d'un fumeur de pipe grincheux. Mais le coup, mal appuyé et trop faible, n'atteignit pas la Sorcière qui avait déjà pris du large et qui aussi dédaigneuse des efforts du roquet chargé de sa garde que de ceux des vagues dures fendues par sa mince étrave, s'en allait glorieusement vers la mer de Marmara et vers sa liberté, tandis que le drapeau étoilé des Etats-Unis montait, comme un défi, à la corne d'artimon.

Un moment, Arcadius, d'un œil brouillé par les larmes de l'émotion, suivit sa course, déjà prêt à entonner un cantique d'action de grâces quand, soudain, ce fut le drame... La mer parut se hérisser de voiles...

Débouchant de derrière les îles des Princes, de hautes pyramides de toile blanche apparurent, en ordre de bataille. Ce n'étaient pas des chebecs ou des polacres, aucun de ces navires hors du temps qui, malgré louis qualités marines, gardaient quelque chose d'attendrissant. C'étaient de grands navires modernes, bien armés, redoutables...

Jolival les reconnut avec un affreux juron : un vaisseau de ligne, deux frégates et trois corvettes ! La flotte de l'amiral Maxwell, qui avec le calme de la puissance sûre d'elle-même venait lentement barrer le passage. Qu'allait faire Jason seul en face de six navires, dont le plus faible était mieux armé que lui ?

En voyant le brick se couvrir de toute sa toile malgré le temps, au risque d'être emporté, Jolival comprit que l'Américain voulait tenter de passer malgré tout. Il avait le vent pour lui et ses qualités de marin lui permettaient, en utilisant la tempête, de filer sous le nez de ses ennemis plus puissants, mais moins taillés pour la course.

— Il est fou, fit près de Jolival une voix paisible. Il faut être un rude marin pour tenter un coup pareil. Et ce serait dommage qu'il aille à la côte, car c'est un fier bateau.

Presque sans surprise, Jolival vit auprès de lui le comte de Latour-Maubourg, en robe de chambre et bonnet de nuit, armé d'une autre longue-vue. Apparemment, il en possédait une collection...

— C'est un rude marin, affirma-t-il. Mais j'ai peur...

— Moi aussi ! Car, en plus de ça... regardez ! Le vent tourne !... Ah ! Sacré bon sang ! Par sainte Anne d'Auray, ce n'est pas de chance !

L'ambassadeur avait raison. Brusquement, les voiles de la Sorcière se mirent à fasseyer, tandis que le navire, pris dans le tourbillon du vent tournant, se couchait presque. Les vaisseaux anglais qui avaient à utiliser au mieux un vent contraire, l'avaient maintenant pour eux et s'en servirent. Sur les grandes vagues creuses, leurs énormes carènes noires parurent bondir, tandis que, hissant à leur tour de nouvelles voiles, ils s'apprêtèrent à courir sus au brick.

De toute évidence, Jason allait être pris. Le combat à un contre six était perdu d'avance car le corsaire n'aurait plus la force vitale nécessaire pour gagner de vitesse ses adversaires et leur filer entre les doigts.

— Bon Dieu ! gronda Jolival entre ses dents serrées, mais qu'est-ce que la flotte anglaise fait là à cette heure-ci ? Avons-nous été trahis ? Quelqu'un l'en a-t-il prévenue ?

Les yeux myopes de l'ambassadeur regardèrent le vicomte avec une énorme surprise :

— Prévenue de quoi ? Et de quelle trahison voulez-vous parler, mon ami ? L'amiral Maxwell se rend en mer Noire pour inspecter les ports de la côte nord. Les deux frégates l'escortent dans son voyage, mais les corvettes n'iront que jusqu'à l'entrée du Bosphore.

— En tournée d'inspection ? Un Anglais ?

L'ambassadeur français poussa un profond soupir qui déchaîna une quinte de toux. Il devint très rouge, tira un grand mouchoir de sa robe de chambre, s'en couvrit le visage, puis la quinte, une fois passée, reparut, toujours aussi rouge.

— Excusez-moi, j'ai un rhume affreux... Mais, vous disiez ?

— Qu'il est tout de même étonnant de voir une flotte anglaise aller inspecter des défenses ottomanes !

— Mon pauvre ami, nous vivons un temps où ce qui n'est pas étonnant devient la chose rare entre toutes. Canning règne au Sérail et le Sultan ne jure plus que par lui. Sa Hautesse compte sur l'aide anglaise pour instaurer ces grandes réformes dont elle rêve. En outre, elle espère que Londres va l'aider à conclure un traité à peu près sortable avec le Tsar. Aussi ne sommes-nous plus que des indésirables. La vieille amitié est bien morte. Il se peut que je demande mes passeports prochainement. L'Empereur s'est souvenu de nous trop tard...

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